Je
                me suis laissée dire - mais j'ai sans
              doute trop bonne oreille pour les mauvaises langues - que
              le moulin de Kerbroué avait peiné à s'ébrouer
              lors de l'inauguration de sa nouvelle carrière, sous les
              auspices de monsieur le Maire. "Déjà trop vieux,
              le jeune moulin ! À l'hospice !" entendait-on
              sous certains crânes médusés. "Encore
              trop jeune, le vieux moulin ! En nourrice !" résonnaient
              d'autre crânes,
              incrédules. Trop vieux ? Trop jeune ? Je ne sais
              pas. Hors de son temps, assurément. Il sait bien qu'on
              ne lui demande de tourner que pour la frime, pas pour ce vrai.
              Et ça,
              il ne supporte pas, apparemment. Il lui faut du grain à moudre
              mais il voit bien que la paille n'est plus ce qu'elle était
              sous le grain, que la graille n'a plus besoin du pain, de celui
              qui lève doucement, qui fleure bon ses origines, qui embonnit
              au fil des jours. "À quoi bon ?" devait
              ce dire le grand ailé de Kerbroué. Le champagne
              ne l'a pas déridé.
              Les applaudissements l'ont conforté dans sa décision. "Non
            mais ... me prendrait-on pour un autre ?"              
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