L'humeur de la semaine

"Il est interdit d'interdire" scandaient les jeunes en mai 68, le pavé à la main. Bien sûr …

En vieille utopiste impénitente, je suis convaincue que toutes les règles, tous les règlements, toutes les lois seraient inutiles si la société était tout simplement respectueuse de ses individus et respectée par eux. Seul resterait utile quelque mode d'emploi de la vie en société.

Malheureusement (ou heureusement ?), la sagesse, mélange de raison et de connaissance (?), ne semble pas être une denrée très recherchée par des individus plutôt portés sur la consommation des instants et des petits bonheurs, ni très promues par des sociétés moutonnières toujours méfiantes envers les électrons libres.

Malheureusement encore, même souhaitée, cette sagesse n'est pas innée. Il faut du temps pour acquérir quelque savoir permettant un jugement qui restera de toute façon très relatif. Il faut également du temps pour que le cerveau de nos jeunes se construise : les chercheurs viennent de prouver que les zones intéressées par le raisonnement ne sont physiquement opérationnelles qu'après celles qui abritent les émotions, et que, même alors, ces zones se formatent progressivement, éliminant les fonctionnalités non utilisées, renforçant les autres.

Il serait donc coupable de ne pas interdire. Pour protéger la société et ses individus des erreurs potentielles de chacun, mais surtout pour aider nos jeunes à la construction de leur jugement personnel. Dans les deux cas, idéalement, ces interdits devraient être adaptables et effectivement adaptés à chacun, à chaque situation, à chaque instant. Pour que les électrons libres éclairés qu'il nous arrive d'être parfois, brièvement, puissent s'exprimer en dehors du bocal. Pour que chaque jeune puisse utiliser les interdits rencontrés comme autant de leviers, de points d'ancrage, d'outils nécessaires à sa progression.

Une main de fer dans un gant de velours, en quelque sorte ? "L'imagination, au pouvoir !" disaient également les jeunes en 68 … Vaste programme, non ?