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Quand
j'étais petit, tout pitit, pitit comme ça,
j'écoutais mon oreiller. Il me racontait la vie de miliiers
de petits enfants comme moi qui n'avais pas encore conscience que
j'étais comme eux, petit enfant. L'oreille bien
collée sur le ventre du mon monde à moi,
j'écoutais son agitation, ses pas secs sur des
revêtements sonores, ses coups frappés sans doute
pour se faire ouvrir une porte, enfoncer un clou, faire toutes ces
choses que je commençais à voir faire autour de
moi. Le bruit s'estompait-il, je tournais
légèrement la tête sur la toile, tout
doucement pour ne pas apeurer tous ces êtres que je
pressentais fragiles, prêts à suspendre leurs
occupations pour s'évanouir définitivement dans
mon oreiller.
Et puis, sans que je m'en
rende compte tout à fait, deux petits frères sont
arrivés ensemble dans mon univers. Sans doute même
étaient-ils déjà là depuis
un certain temps quand je me suis rendu compte que, vraisemblement, le
monde allait par deux et que ces deux-là que je voyais et
percevais de mieux en mieux devaient s'être
échappés de mon oreiller. J'ai donc
imaginé un monde de petits bonhommes identiques, allant et
venant deux par deux, s'agitant au gré de mes mouvements,
accompagnant endormissements et réveils.
Je
ne saurais dire quand s'est terminée l'illusion. J'imagine
qu'elle s'en est allée comme s'en va le Père
Noël : le doute, puis la certitude, et puis, pendant quelque
temps encore, la nostalgie sinon l'envie d'enfoncer encore plus fort la
tête dans l'oreiller, au cas où ...
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