Une (petite) voix dans la Presqu'île

Ordiphone breton

10/04/2023

      Certains se plaignent que certains autres ne peuvent plus se séparer de leur smartphone. S’en plaignent ou bien s’en moquent. Regardez-les, l’appareil ou les écouteurs à l’oreille alors qu’ils sont dans l’espace public, ou bien, pire, parlant encore plus fort devant un haut-parleur au maximum de sa puissance ! Voyez-les, tapotant frénétiquement des messages insanes sur facebook et compagnie alors qu’amis, famille ou collègues de travail sont réunis ! Observez-les alors qu’ils jouent les touristes photographiant à tour de bras tendu les paysages, monuments et œuvres d’art dont ils enverront à l’envi l’épreuve comme preuve de leur félicité !

      Vrai que le smartphone (ordiphone ?) est le couteau suisse digital (pardon : numérique !) actuel et donc aussi indispensable dans la poche du consommateur qui se veut branché que l’opinel dans celle du marin qui n’éprouve pas forcément le besoin de clamer sa bretonnitude. La bibliothèque est-elle ouverte ? Quelle est la signification exacte de « à l’envi » ? Pleuvra-t-il dans l’Eure ? Toutes les réponses arriveront via l’appareil intelligent et si elles ne viennent pas c’est qu’elles n’existent pas. Point. Prévenir d’un retard, payer sa baguette, valider son titre de transport, capturer une photo pense-bête, surveiller sa chère demeure quand on s’en trouve éloigné, connaître l’heure de la pleine mer, le saint du jour jour, les randos à proximité, le programme de télé, les qualités et défauts du lave-linge qui fait le beau derrière la promo, le…, la…, les… Tout est possible et quand ça ne l’est pas, le geek s’étonne et ne serait pas loin de s’indigner. « Comment ? Mon beau couteau ne couperait pas l’acier qui me ligote au réel ? ne taillerait pas la route vers le rêve sans frontière ?

Le marin breton ne se balade pas dans les rues brandissant son opinel, non. Sachant qu’un couteau dangereux est un couteau qui ne coupe pas, il en préserve sagement le fil pour les usages indispensables en le refermant soigneusement dans la poche de sa cotte. Les porteurs de couteaux suisses numériques ne devraient-ils pas s’en inspirer lors de leurs navigations dans le claoude réticulaire ?