Une (petite) voix dans la Presqu'île

Est-ce bien raisonnable ?

06/11/2023

Nos sénateurs viennent de voter une proposition de loi interdisant l’écriture inclusive  « dans tous les cas où le législateur (et éventuellement le pouvoir réglementaire) exige un document en français », comme les modes d’emploi, les contrats de travail, les règlements intérieurs d’entreprise, les actes juridiques. Sans doute convient-il de garantir aux citoyens et consommateurs qu’ils n’auront pas à déchiffrer des textes proches de l’hébreux, émaillés de « iels », « celleux » et autres mots imprononçables et donc illisibles. On peut se demander pourtant si nos élus n’ont pas autre chose à faire que de se préoccuper des lubies de quelques zélateurs éventuellement animés de bonnes intentions égalitaristes. Les documents destinés au renseignement du consommateur ou bien aux différents contrats passés entre le citoyen et les différents organismes qui régissent la société ont tout intérêt à être clairs quand ils ne se veulent pas trompeurs et alors déjà sous le coup de la loi. Pourquoi ne pas construire une loi interdisant les modes d’emploi et autres mises en garde écrits en si petit caractères qu’une loupe est nécessaire pour tenter d’en prendre connaissance ? Pourquoi légiférer quand le défi au bon sens est déjà coupable ?

Notre gouvernement a le projet d’inscrire dans la Constitution « la liberté d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse » afin qu’un éventuel gouvernement réactionnaire ne revienne pas sur la loi en vigueur depuis un demi-siècle. Sans doute les droits des femmes et des couples doivent-ils être affirmés et protégés, mais protéger la protection n’est-il pas excessif ? Pourquoi ne pas agir de même avec d’autres points particuliers de la vie sociétale tel que la liberté de choisir son plombier ? Bon, j’exagère… Plus sérieusement, deux objections viennent à l’esprit. La première est que retirer une arme à un éventuel pouvoir liberticide risque de le le faire paraître moins dangereux nonobstant ses autres menaces. Le seconde est que les tentatives de blindage des libertés citoyennes risque bien de faire baisser une vigilance démocratique déjà bien faible.

Une proposition de loi alors que le problème n’existe pas, une modification de la Constitution alors que le problème est d’une autre importance… La semaine de tempêtes qui vient de passer sur quelques côtes et côtés de l’hexagone me suggère cette métaphore : mettre des barrière contre l’océan sert à peu de chose, qu’il soit calme ou en furie. N’est-ce pas ?