Clint Eastwood ne surnage pas dans ma tasse de thé, mais quand ses films me conviennent, j’y ajoute un sucre et je bois volontiers la tasse. Je n’ai donc pas trop hésité à appuyer sur le troisième bouton de ma télécommande pour me brancher sur le film classé *** par deux de mes sources conseilleuses de programmes télé préférées. "L’échange", c’est sont titre. J’ai compris assez vite que, pour une fois, les trois étoiles annoncées ne brilleraient pas au firmament de ma critique perso. Scénario improbable, dialogues rudimentaires, situations caricaturales, personnages taillés à coups de hache, l’outil emblématique du film ... Je suis pourtant resté scotché devant mon écran quasi décoloré, plus noir que blanc. Pas pour les grands yeux larmoyants ou foleyants de la belle Angela Jolie. Non, juste pour le plaisir d’aller au bout du déplaisir afin de mieux cerner les limites de mes goûts en la matière. Sait-on ce qui est beau-pour-soi quand le laid reste ignoré ?
Beau et bon également : saurais-je ce qui est bon-selon-moi si je laisse le moins bon sur le côté de mon assiette ? On incite fortement - et souvent vainement - les enfants à manger de tout dans le but d’avoir une alimentation équilibrée. Cet équilibre n’est peut-être pas que nutritionnel : la construction équilibrée de la carte des saveurs propre à chacun nécessite le renseignement permanent des multiples départements imbriqués constitutifs de cette carte. Le doux, l’amer, l’onctueux, le salé, l’aigre, l’âpre, l’astringent, l’acide, l’humide, le sec, le gras, sont les éléments d’un puzzle cérébral qui devient vite lacunaire faute de mises à jour régulières.
Au bout de l’idée, il se pourrait bien que si le beau ou le bon se définissent difficilement sans l’expérience du laid ou du mauvais, il en soit de même dans tous les domaines. La liberté s’apprécie mieux quand on a connu la réclusion, la santé après avoir été malade, la vie quand on a côtoyé la mort, Dieu après avoir perçu le néant, ..., les multiples barreaux de l’échelle reliant une entité à son opposé permettant aux consommateurs d’existence de se construire leur philosophie. Merci Clint !