À l’origine, au tout début, il n’y avait rien.
Rien n’existait alors qu’il fallait que quelque chose soit. Il le fallait parce que c’est écrit depuis longtemps, parce que l’habitude est trop bien ancrée et qu’à trop attendre l’encre des mots risque de sécher.
L’esprit s’est donc posé au pied de son mur de doux labeur, décidé, sans hâte et sans douleur. Un grondement, une forme amorphe, un vague mouvement ... doit-il y croire ? Un être se constitue-t-il sous sa conscience ? Ou bien plutôt la bulle de l’illusion ne pouffera-t-elle pas au nez de sa raison ?
Déjà l’ectoplasme se pare de sons plus clairs, d’angles et de saillies, de brèches et de trouées, de gris et de grisés. Un peu de temps encore pour deviner les lignes directrices, les arcs-boutants, les puits de lumière, le rythme et la tonalité de l’ensemble. À ce stade, l’esprit pressent que la bulle n’a plus lieu d’être ou bien même que l’être est cette bulle qui prend ses aises en prenant forme.
L’espace mental se remplit de matière impalpable, de sons inaudibles, de couleurs insaisissables ; l’esprit se mesure très vite trop petit devant la complexité grandissante. Il faut l’aider, coucher sur le papier, tirer des plans sur les idées, les assembler au mortier des mots. Le maçon met la main à pâte de l’esprit ... encore et encore ... sans espoir que l’esprit lui dise jamais que c’en est assez, que c’est bien et que ça suffit.
Un être n’est pourtant fini que s’il a une fin [1] ; celui-ci n’en a pas : au bout du bout, il n’y a pas grand chose, juste un texte sur l’apparition d’un texte, c’est deux fois rien, mais ça n’est déjà plus rien.