L’addiction au sport vient à tout âge, avec plus ou moins d’intensité dans la pratique, bien entendu, mais pas dans l’intensité de la motivation. Le grand âge est même la période de la vie où cette addiction peut se donner libre cours, hors des contraintes du temps dû au travail ou même aux convenances, avec pour seules obligations les jalons posés dans l’agenda hebdomadaire pour les rendez-vous sportifs collectifs. Il est possible de s’administrer chaque jour de la semaine une heure, ou deux, ou trois, de marche, de course, de vélo, de danse, de tennis de table (à ne pas confondre avec le ping-pong, of course), de badminton, de piscine ou de voile, ... selon la saison, la météo, les opportunités ou la charge du moment.
Il s’agit bien d’une addiction. Le manque s’accompagne d’une certaine oppression physique, sans doute fortement psycho-somatique et liée à la mauvaise conscience de lâcher quelque chose (et dans lâcher, il y a "lâche", n’est-ce pas ?). Parce que se mettre en branle pour une activité sportive demande de se "bouger le cul" comme on dit vulgairement (et comme je l’écris donc tout aussi vulgairement), de sortir le train de son fauteuil, lever le nez de ses écrans ; demande d’imaginer le plaisir croissant tandis que l’épiderme se noie sous sa propre transpiration ; le contentement de l’organisme après la douche, en mode repos et pause avant la prochaine dose.
L’addiction incite forcément au meilleur (ou au pire, selon), meilleur progressif pendant quelques décennies, puis stationnaire, puis régressif contrôlé, le challenge étant toujours de faire le maximum malgré des handicaps croissants. Les entraînements les plus intensifs, les meilleurs coaches n’amèneront jamais un septuagénaire au niveau de performance des Gatien, Leverdez, Antoine, Manaudou, Schmitt , Vauclair ou Peyron [1], mais l’observation des champions, l’envie de comprendre, le plaisir d’apprendre encore et toujours contribuent au maintient de pratiques sportives pas trop dégradées. Le handicap lui-même n’interdit pas la réponse positive à l’addiction, les exemples multiples maintenant de plus en plus médiatisés sont autant de modèles et d’éléments de motivation pour le commun des handicapés.
Alors ? Alors, même si l’adrénaline se fait rare avec le temps, les bouffées d’endorphine peuvent investir encore bien longtemps les organismes qui se donnent les moyens de les générer. Oui ?