Dieu n’est plus ce qu’il était, ma bonne dame ! Il ne fait plus recette au pays jadis désigné comme la fille aînée de l’Église. Les églises de la dite Église se vident des masses de fidèles qui les hantaient il n’y a guère, son clergé vieillissant doit faire place aux laïcs incultes, aux femmes impures, aux clercs décalés des anciennes contrées d’évangélisation. Chacun voit bien l’effondrement de la cote divine, fixée à 33% selon un sondage mentionné par mon quotidien préféré. C’est le pourcentage des Françaises et des Français qui jugent l’existence de Dieu certaine ou probable, petit chiffre, historiquement, néanmoins supérieur aux quelque 20% de confiance accordée actuellement à un Président qui n’a pas tenu ses promesses. Mais si tenir ses promesses est un paramètre conditionnant l’adhésion des citoyens, il ne saurait en être un concernant celle des fidèles, la vie éternelle promise étant à jamais impalpable de ce côté-ci du monde.
Le sondage donne beaucoup d’autres chiffres, bien sûr. Celui-ci par exemple : 58% des catholiques déclarés ne sont pas convaincus de l’existence de Dieu. Ah bah ! Quelle révélation, quel choc ! Mais bon, cela confirme, en vrac, que l’Église n’est pas Dieu et lycée de Versailles, que la forme est plus accessible que le fond, qu’on peut fréquenter les églises pour y chercher un Dieu auquel on voudrait bien croire, ou bien que, même si on en tient Un, il ne peut pas être défini tout à fait comme Celui de l’Église. "Vous ne croyez pas en Dieu ? Mais en quel Dieu ne croyez-vous pas ?"
Un bon chiffre pourtant : 70% des sondés estiment que les religions sont un besoin essentiel de l’homme. Bon ? Apparemment seulement, d’abord parce que certains sondés peuvent penser les religions nécessaires, mais pour les autres (RNPA), ensuite parce que si l’Église n’existe pas sans religion pour relier ses fidèles en troupeau [1], Dieu n’a besoin que du lien exclusif lancé en aveugle par chacun de ses quémandeurs. Besoin de religion et quête de Dieu ne sont donc pas corrélés, ainsi que semblait le penser Paul Ricoeur dans la citation mentionnée par le rapporteur du sondage :"La chrétienté est morte, vive l’Évangile".
Moi, vous me connaissez, Je suis un éternel contrariant. Alors que, dans mon jeune temps, tout le monde se pressait et me compressait dans les églises, j’y étouffais et piaffais d’en sortir, maintenant que les nefs sont désertées, j’aurais plutôt envie d’y entrer. Mais d’y entrer seul, non pas lié, relié et ligoté comme on peut l’éprouver lors des quelques manifestations socialement obligées et humainement essentielles qui poussent encore le gentil, le païen, dans les églises, les obsèques principalement. Bizarrement, seulement 3% des Français croient à la résurrection des corps, une grande partie des 97% restants participe donc de temps à autres, et de plus en plus fréquemment l’âge avançant, aux cérémonies religieuses de "passage à la vie éternelle" sans y croire. En souhaitant y croire, peut-être, au moins pour l’être cher - le parent ou l’ami - qui est parti, en voulant participer, plus sûrement, s’associer, partager avec les vivants réunis autour du mort commun, de la mort commune. Et n’étaient les mots désuets et désormais incompris me semble-t-il qui s’y prononcent, l’atmosphère des églises est encore particulièrement adaptée à ces rencontres d’un autre type.
Les résultats de ce sondage ne m’inquiètent pas outre mesure quant à la survie de la bonne vieille "Église Catholique et Romaine". Il y est mentionné que la soi-disant a-religiosité française n’est partagée qu’avec quelques pays dont la Chine. Ça fait beaucoup de monde bien entendu, mais c’est un monde en construction - contrairement au nôtre, puisqu’il faut enfoncer le clou jusqu’à nous crucifier - et le charisme de François pourrait bien y faire un malheur. Sa parole franche et sa posture de sage pourraient faire monter les sondages de son Église même en France, plus vraisemblablement que la parole de bègue, peu audible et tellement inconséquente de notre François national. J’exagère, j’exagère ... mais ça me fait tellement plaisir !