Je viens de rencontrer un vendeur d’exception. Il vend le blanc et le brun [1] rencontré habituellement dans toutes les bonnes demeures, ce qui n’a rien d’exceptionnel, mais il le fait de façon exceptionnellement intelligente. Pas de violence pour forcer la main de l’acheteur potentiel, pas d’esbroufe pour violenter ses convictions, pas de rouerie pour contourner ses objections. Il m’a conduit jusqu’à l’achat en me laissant croire ce dont je voulais me persuader : c’est moi l’acheteur et c’est bien moi qui choisis et décide.
Il dit bonjour - il est poli, il interroge sans interrogatoire, il accepte les réponses, même inutiles, il écoute les demandes, réellement justifiées ou parfaitement saugrenues. Il reprend même vos erreurs comme des vérités pour vous les re-servir, délicatement corrigées, comme si elles venaient de vous. Il semble avoir du temps pour vous quand bien même les nombreuses sollicitations à son apparente expertise ou du moins son évidente autorité indiquent qu’il n’a pas vraiment de temps à perdre. Il ne dit jamais non, ne dit jamais oui, il explique pourquoi ce produit-ci est mieux que celui-là pour l’usage qu’on veut en faire ou bien comment celui-là peut être finalement moins profitable que celui-ci quand sont comptabilisées la consommation, la longévité, l’entretien, les assurances, la revente,... Bref, ce vendeur donne à son acheteur l’impression d’être important et intelligent.
Bizarrement, je me suis dit que le job ne devait pas être facile, car quoi ? si ça ne lui a pas été trop difficile avec moi qui me perçois déjà naturellement important et intelligent, la difficulté doit être d’une autre ampleur, voire désespérante lorsque le gap [2] négociable est une falaise accessible uniquement par des plantages d’ancrages en oui et non. Tenir cette posture exceptionnelle dans la durée n’est possible que si, justement, cette posture n’en est pas une mais une attitude fondamentale de la personne. On imagine aisément le comportement de ce vendeur lors d’une délibération du conseil municipal, du dîner familial quotidien ou d’une partie de boule. Finalement, les qualités que j’ai trouvées à ce professionnel sont celles qu’on aimerait trouver plus souvent, autour de soi et, soyons modeste pour changer, en soi. Oui ?