Quièn sabe ?

Ça suffit ! J’en ai marre de moi.

 

Marre de me lever cintré chaque matin, de me contempler l’oeil frippé dans le miroir étonné, de m’installer dans la routine des imprévus quotidiens - lire, boire, manger, voir encore, prévoir un peu - et puis de me coucher comme hier pour préparer un autre jour semblable à aujourd’hui.

 

Je veux changer de corps, m’installer dans un corps de rêve, celui que j’entrevois parfois au réveil de ma conscience de moi-même, léger, presque volatile, spectateur indolore d’un monde dont il compose les personnages, organise les évènements.

 

Je sais bien l’impossibilité de la chose : un tel corps n’existe sans doute pas ; il n’est sans doute pas possible de changer de corps ; ce n’est que du rêve, une affaire de tête.

 

Une affaire de tête, c’est ça, il me faut la changer pour qu’elle me considère différemment, pour que je sois donc un autre pour moi et peut-être un autre pour les autres si je le rêve assez fort. Vouloir, oublier, décider, effacer, résoudre, se résoudre, faire le ménage sous les méninges, réactiver quelques circuits, en déconnecter quelques autres ... La mécanique cérébrale bio-chimique moins explosive que nos diesels destructeurs d’environnement pourrait-elle être constructrice d’environnés ? Quièn sabe ?

 

Ah, le petit texte libérateur du matin ! Les mots ont circulé sur le clavier, de leur genèse dans une pensée brouillonne jusqu’à leur affichage ordonné sur l’écran. Du potentiel s’est réalisé, un peu de rêve s’est concrétisé. Je ne suis plus le même, je ne veux plus changer ...