Il était une fois une mère de 342 enfants. Souhaitant ralentir sa production d’humains, elle avait mis en oeuvre un moyen de contraception original : la gestation prolongée. .Elle n’a accouché de son dernier enfant, par exemple, qu’au terme de 31 ans. Cela n’allait pas bien sûr sans problème : le placenta, trop longtemps sollicité, manquait parfois d’éléments nutritifs et beaucoup naissaient avec des handicaps variés. Ce dernier enfant, par exemple, était né sans son ombre et traînait cette tare comme un boulet jusqu’au jour où il décida de s’en faire greffer une. Compte-tenu de ses antécédents, le chirurgien opta pour la greffe d’une ombre de gland sur le gros orteil gauche. L’opération fut un succès, le greffon se développa, procurant à notre handicapé l’ombre dont il avait rêvé, celle d’un beau chêne au tronc bien droit, à la chevelure ébouriffée, bien ancré dans la terre de ses ancêtres et de sa mère qui venait tout juste de l’investir.
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L’histoire continue sans doute, on ne m’en a conté que le début, juste assez pour me donner envie de connaître la suite et d’en entendre de nouvelles. Entendre, le plaisir de l’oreille accompagnant le vagabondage débridé de l’esprit puisque ces contes à dormir debout sont l’oeuvre du cousin d’outre Atlantique Fred Pellerin, accent et vocabulaire garanti pur Québéc.
Nous avons nous aussi en France nos raconteurs d’histoires délirantes. Je ne parle pas des hommes politiques dont le flot permanent de billevesées pourrait nous amuser si nous n’étions nous-mêmes l’objet de ces fariboles, véritables coquecigrues roulables dans la farine. Les vrais créateurs de mondes abradabrantesques sont beaucoup moins nombreux et souvent moins exposés. Yannick Jaulin, connaissez-vous ? Il est à l’origine, entre autres, de la découverte du nombril du monde à Pougne-Hérisson dans les Deux-Sèvres. Allez-y voir et laissez-vous engloutir si vous passez par là ...
Jouer ainsi avec les mots, les images, les idées, devrait être remboursé par la CQ, financé par le FMI, déployé par l’ONU. C’est bon contre l’hypertension individuelle, les surtensions sociales, les tensions nationales. C’est jouer la gentille folie des petits et grands enfants contre les folies ravageuses. Non ?