J’aime les mathématiques quand elles se posent les bonnes questions. Du genre : "Soient deux points A et B à égale distance l’un de l’autre. Comment déplacer B sans que A s’en aperçoive ?". Question courte, mais problème de fond dont la résolution nécessite l’application de grands principes, l’émission d’ hypothèses, le déploiement de tout un tas d’arguments, postulats, axiomes, théorèmes et autres règles. Il y faut donc toute la rigueur, voire la rigidité légendaire du mathématicien mandarinisé et altiplanant.
Qu’on y songe : la difficulté commence dès l’entame de la problématique question. "Soient deux points ...". Comment imaginer deux points, deux "quelque chose" plus petits que la plus petite des choses, deux "rien" donc ? C’est bien là l’avantage des mathématiciens sur les physiciens : ceux-là nous en font des tonnes à partir de rien alors que ceux-ci en sont encore à se demander pourquoi notre monde est quelque chose plutôt que rien.
La deuxième difficulté relève du paradoxe : "... à égale distance l’un de l’autre". A priori, A n’égale pas B. A regardant B voit la distance vue par B regardant vers A selon un sens inverse. Le savant hirsute tireur de langue ayant bien montré que l’espace ne va pas sans le temps, la flèche du temps traverse donc également l’espace de l’espace-temps, et celle qui va de A vers B n’est pas celle qui va de B vers A.
Enfin, la question elle-même est d’autant plus difficile à conceptualiser qu’elle ne devrait pas se poser : A étant différent de B, et réciproquement, ces deux entités ne sont pas corrélées comme le seraient A et A ou bien encore B et B. Le problème serait alors le suivant : A ne pouvant ignorer, en principe, ce que fait A ou ce qu’on fait de lui, le fait que A et A soient à égale distance l’un de l’autre modifie-il la perception qu’a A de A ? En gros : la flèche de l’espace temps qui va de A vers A est-elle identique à celle qui va de A vers A ? On pressent aisément que la démonstration de l’impossibilité est abordable. Mais quid de A et B ?
"Comment déplacer B sans que A s’en aperçoive ?". Je dois vous avouer que je n’ai pas trouvé la solution. J’ai cherché bien évidemment là où tout se trouve, sur l’Internet. J’y ai trouvé des embryons de discussion sur "Comment déplacer A sans que B s’en aperçoive ?", ce qui, allant dans le bon sens alphabétique, est beaucoup plus zézé. Absente des filets googléens, la solution est probablement encore à venir, ce qui est une nouvelle preuve que les mathématiques ne sont pas le langage de la nature, elle qui permet depuis longtemps de faire caca droit sans avoir à tortiller du derrière. C.Q.F.D.