C’était la première fois et ce sera sans doute la dernière : j’ai assisté aux réunions électorales de deux des trois listes se présentant aux élections municipales dans ma commune. J’ai fait deux sans trois, pour une fois, sincèrement désemparé devant le peu d’utilité de l’expérience.
Moi, vous me connaissez, j’aime préparer les choses. J’hume l’air du temps avant de mettre les voiles, je range mon établi avant chaque consultation et mon petit ordi avant toute composition. Mais les préparatifs ont des limites et, concernant la préparation de mes votes citoyens, je me contentais jusqu’à ces dernières élections municipales de parcourir les "professions de foi" des candidats et les pages construites par la presse nationale et locale sur le sujet. Cette fois-ci, les promesses quasi identiques se résumant à "Demain, je vous rase gratis dans le meilleur des mondes", l’étiquetage politique devenant insignifiant à force de vouloir signifier alors que l’absence d’étiquette révélerait beaucoup de ce qu’elle veut cacher, j’ai eu envie d’aller humer de plus près l’atmosphère entourant les équipes candidates.
La première m’a paru vivante, avec une tête de liste dynamique. Mais elle n’était pas précédemment à la manoeuvre, n’a donc pas été interpellée sur ses (mauvaises) actions et put affirmer sans rougir qu’elle fera mieux que l’équipe précédente. Mais également, il m’a semblé que le dynamisme du capitaine se tintait parfois de désinvolture et de mordant. Bref, j’ai quitté la réunion pas convaincu que le choix de cette liste ne me mène, la routine de la fonction creusant trop rapidement le rond dans le cuir du fauteuil de premier magistrat de la ville, à m’en mordre les doigts.
La deuxième équipe était l’équipe sortante. Lecture monocorde et monotone d’un programme déjà connu, questions de quelques déçus de la gestion passée, concernant principalement le lampadaire manquant devant la maison de l’interpellateur, la place de parking bien commode effacée par le nouvel aménagement, les demandes de rendez-vous au premier adjoint non suivies d’effets, ... Il m’a pourtant semblé que l’équipe ne méritait pas tous les reproches, que sa discrétion et le manque de charisme de sa tête de liste pouvait cacher une réelle capacité de travail et de service. Bref, j’ai quitté la réunion en pensant que suivre mon impression défavorable initiale pouvait me conduire également à une douloureuse morsure de doigts.
À la veille du scrutin je suis donc dans la position de l’âne de Buridan pas loin de mourir de faim et de soif à force d’hésitation entre le picotin et le seau d’eau. Peut-être rêvait-il, dans sa bête tête d’animal, qu’un tour de passe-passe improbable ne déverse l’avoine du sac dans le seau d’eau, lui permettant de faire deux gorgées d’une d’une même lampée ?