Avis suintants

On voudrait nous dégoûter de la politique qu’on ne s’y prendrait pas autrement. D’un scandale à l’autre, on nous demande de voter comme on demanderait à des moutons de bêler pour faire montre de leur bonne santé. D’une gabegie à l’autre, on nous impose de payer plus comme on extirpe la bourse des pauvres qui tiennent à la vie. D’un oukase à l’autre, on nous soumet à des lois comme on n’oserait même plus le faire pour des collégiens.

Mais ce matin, le mouton installé devant sont petit clavier veut conserver le peu de laine qui lui reste, bêler à son rythme et suivre son chemin ; il veut ne plus être le pigeon de service.

Bein quoi, qu’est-ce qu’il lui prend au gentil-gentil mouton ?

C’est que la presse de ce matin annonce tout azimut la décision présidentielle d’un redécoupage de la France en régions. On ne leur demande rien aux gentils Français redécoupés ? Ils n’ont pas leur mot à dire ? On se lève un matin et on se dit que ça y est, je vais trancher  ?

Quoi qu’on en dise, nous vivons une époque plutôt formidable disposant d’outils de plus en plus nombreux et performants pour contraindre les scandaleux, contenir les gabegies et ouvrir des débats honnêtes avec des citoyens préalablement libérés de leur éther [1] anesthésiant. Comme je n’ose pas imaginer nos énarques assez stupides pour ignorer ce que je sais, j’aurais tendance à subodorer que la mise des opinions sous le boisseau est une tentative permanente de dissimuler les soupes gargantuesques qui s’ingurgitent sur le suint des moutons trop gentils. Non ?