Comme tous les 1er mai depuis quarante ans, toute la famille est invitée à se réunir à l’occasion de l’anniversaire de mariage de ses fondateurs. Un mariage comme fondement de notre famille, ça sonne bizarrement dans les oreilles par les temps qui courent, non ? En quelques décennies, les familles sont devenues plutôt multiformes et élastiques, installées sur des fondements mouvants que le mot "mariage", récemment devenu passe-partout, résume difficilement. C’est fou ce que les choses changent vite, mon bon monsieur !
Toute la famille est donc conviée autour des arrière-grands-parents, même si la mamie de tous est maintenant seule en haut de la pyramide. Enfants devenus vieux eux aussi, petits-enfant devenus grands à leur tour, arrière-petits-enfants débarqués au fil des ans. Tous ne sont pas présents bien sûr, certains pouvant ne pas pouvoir, d’autres voulant ne plus vouloir. Chacun se présente différemment d’une année sur l’autre, les jours de la vie passant sur les traits des visages, les courbes des corps, les expressions des pensées. La famille vit avec ses membres, certains s’ankylosant, d’autres s’épanouissant, tous évoluant à coup sûr.
La rencontre elle-même a évolué depuis les premières réunions. Elle ne va plus s’installer dans les cadres aussi lointains que les plateaux de Belle-Île, les plages de Noirmoutier ou les bois de ... [1]Ses pique-niques ne sont plus aussi pantagrueliques : le prix des langoustines ainsi que le sage réajustement des yeux à la taille des ventres ont eu raison des débordements de nephropinæ, huîtres, merlu, poulet, gâteaux ... Les jeux ont varié au gré des modes, des âges et des possibilités du lieu, passant du ballon au trampoline, de la planche à voile au canoë ou de la pétanque à l’acrobranche.
Ce qui ne change pas, c’est la date et donc l’incertitude sur la météo d’un jour compris entre l’hiver et l’été, entre froid et chaleur, grand vent et pétole, crachin et ciel bleu. Cyclone et canicule mis à part, tous les types de temps restent dans la mémoire collective familiale. Chaque année, il convient de faire avec, s’organiser en fonction de, s’adapter. On peut regretter l’impossibilité de passer commande du beau temps pour ce jour du muguet, afin que ses clochettes soient aussi blanches que la robe de la mariée le 1er mai 1946, mais, finalement, ce petit risque qu’il convient de gérer est bien à l’image du grand risque qui est donné à gérer lors d’un mariage. Non ?