Je serai moins riche demain qu’aujourd’hui, si Dieu le veut. Je veux dire que Dieu dont on dit qu’il prise sur ma vie n’a aucun pouvoir sur mon appauvrissement si cette vie devait durer encore un peu. La réduction de mon train de vie est gravée profondément dans la table des lois économiques. La globalisation, l’explosion démographique mondiale, le vieillissement de la population nationale, la raréfaction des énergies fossiles faciles et pas trop chères et bien d’autres facteurs plus ou moins liés aux ressorts humains comme l’expansion du terrorisme annoncent des temps de vaches de plus en plus maigres, sans espoir de retour aux vaches grasses.
Si l’amaigrissement de mon train de vie était solitaire, j’en serais vraisemblablement désespéré. Être pauvre parmi les riches est une ségrégation de fait difficilement supportable. Sans être tout à fait solidaire non plus - faut pas rêver - l’amputation de mes ressources se fera au rythme de celle de mes voisins. Tout le monde dans le même panier, hormis bien sûr les très riches qui ont déjà les moyens de construire des remparts à leur richesse, les grands truands et les petits malins qui auront les moyens de faire leur trou pour y entasser leurs larcins ou leurs ponctions.
Appauvrissons-nous donc, dans la joie et la bonne humeur puisqu’en citoyens ordinaires nous n’y pouvons pas grand chose ! Oui mais jusqu’où ? Que tiendrai-je à conserver quand je serai sur le point de ne plus rien posséder ? On peut se passer de presque tout quand on n’a rien ... Plus de maison, plus de voiture, plus de télé, de téléphone, d’ordinateur, de caméscope. Rien que du temps pour ne rien faire, pour contempler et rêver. Enfin !
Mais la vie monastique est-elle encore une vivable quand elle n’a pas été voulue ? Comment regarder les paysages si je ne peux plus en figer les impressions ? Comment rêver si je ne peux plus retranscrire mes utopies ? Figer et retranscrire avec un papier et un crayon pour remplacer l’appareil photo et l’ordinateur est certes possible mais je crains que le temps d’apprentissage soit trop long en ce qui me concerne.
Question sans réponse, donc ... Sans doute parce que je peine à imaginer l’inimaginable et qu’il en est ainsi de beaucoup de situations dans lesquelles on se voit difficilement ou de façon erronée tant qu’on ne s’y trouve pas confronté réellement. Non ?