Dans quelques jours maintenant nos instants surferont sur la vague du temps en train de s’effondrer sur l’estran de 2014. Une autre vague commencera d’enfler, doucement, tout doucement, comme une vaste respiration de douze mois. C’est banal, aussi banal que le passage d’un jour à l’autre, d’une commémoration à la suivante. C’est le franchissement d’un repère de plus dans le grand flux du temps. Mais, comme les autres repères pour peu qu’on veuille bien les regarder et les vivre comme des bornes rencontrées dans la courte durée de chaque parcours humain, c’est émouvant. Une année sera close quand la suivant ne sera pas encore ouverte. La vie sera définitivement écrite dans tous les supports à mémoire de la première, sans possibilité de modification autre que la perception qu’on peut en avoir, l’interprétation qu’on peut en faire, le gommage par l’oubli qu’on y opère, volontairement ou non. La possibilité d’écrire la vie sur une page blanche, un film vierge, un disque dur reformaté incitera alors à la prise de recul, la mise en perspective, aux choix, décisions et résolutions. État d’esprit vague et fugace bien entendu, l’instant du passage n’étant pas le big bang émotionnel et intellectuel contenant en lui-même l’entier scénario des douze mois à venir.
Dans quelques jours pourtant, la rotation continuelle et lisse de notre globe autour de son astre n’engendrera aucun "clic" révélateur d’engrenage passé, de marche gravie, de barrière franchie. Le monde qu’il porte ne ressentira aucun sursaut, aucun changement d’aiguillage. Son irrésolution objectivement mortifère restera sur des rails qui viennent de loin mais se perdent en se tordant dans les brumes du futur probable.
Rabat-joie ! Dans quelques jours, c’est la Saint-Sylvestre, le Réveillon avec un grand air, les douze coups de minuit, les bises et embrassades. Ce sont des instants d’oubli de ce qu’il y avait avant et d’indifférence à qu’il y aura après, des instants à vivre, régulièrement exceptionnels, tout simplement. Oui ?