Bein voilà, je suis en train de clavarder depuis le carré de mon bateau. Le pied, quoi ! Pas le pied marin capable de contrer le mal de mal, ni le pied du pilote censé éviter le frottement (ou pire) de la quille sur le fond de l’eau, non, le pied, le vrai, celui qui donne du plaisir et incite à poursuivre dans la même foulée. J’ai tout comme at home, ou presque. Pas la télé, pas le bruit des tutures qui bouchonnent pour accéder aux lieux où tout le monde va, pas le micro-onde, le lave-vaisselle, le lave-linge ni beaucoup d’autres choses indispensables lorsqu’on endosse l’habit de terrien, mais tout le reste comme à la maison, je vous dis ! Ma cuisine, ma chambre, mon salon, le tout posé sur l’eau et agité du mouvement de l’océan. J’ai même l’Internet qui donne encore le sentiment de faire partie du monde qui compte, qui permet de dire à mes amis combien je regrette qu’ils ne soient pas à mes côtés. Je peux leur parler des goélands dont j’apprécie bien davantage le vol ici que les criailleries à terre, des fous de bassan au col jaune ou définitivement blanchi, des méduses pitoyables dans leur engoncement couleur de terre, du goémon en transhumance vers sa condition de varech côtier.
Mon petit monde est donc installé pour quelques jours entre ciel et mer, plus près de l’eau omniprésente que du firmament dont on ne saisit vraiment la présence que par ce qui y circule, oiseaux, nuages, vent, lune ou soleil. C’est un grand plaisir qui se mérite et ne va pas sans difficultés, bien sûr. Pas sans inquiétude d’abord. Elle est permanente à bord d’un bateau, elle doit l’être pour éviter les grands déplaisirs. Quelles voiles maxi sans risque pour le bateau et l’équipage ? Quel mouillage ce soir pour une nuit sereine ? Quelle hauteur d’eau, quel courant, quel vent, quelle fréquentation ? Pas sans efforts ensuite. La voile est un sport, c’est entendu. Établir les voiles, les régler en permanence, en changer selon l’humeur du vent, mouiller, relever le mouillage, débarquer à force d’annexe à gonfler et de coups de rame. Ça peut devenir du sport lorsque le vent forcit, que l’ancre est bien profonde ou la plage bien loin.
On ne se plaindra pas si au bout du compte, on peut se retrouver comme ce matin, mouillé sous l’île de Penfret dans le lagon des Glénan, bercé par la surface d’une eau qui laisse apercevoir les algues brunes sur le sable blanc. Si, si, je le vois bien le fond sous six mètres d’eau, mieux que mon portrait dans le miroir après ma douche pour tout vous décrire … Allez, j’y plonge, pour une petite toilette justement !