Me voici une fois de plus devant la page blanche de mon ordinateur préféré, dans l’éblouissement de la lumière quasi horizontale de ce matin d’automne, bien protégé derrière mes vitres de la bise pas trop tendre venue du nordet, l’esprit clair sur l’actu du monde et d’ailleurs, droit dans mes bottes et les bottes sous la chaise. Près de vingt-trois ans, quelque mille deux cents occasions de me retrouver ainsi face à mon miroir informatique, miroir déformant renvoyant pêle-mêle perceptions et rêveries, réalités et utopies, perspectives imposées et prospectives délibérées, passé recomposé et futur préfabriqué pour un présent tolérable ...
Trop de pixels m’assaillent ce matin pour me fixer sur un seul comme bien souvent.. Quelques-uns, tout proches, tombent sous le regard. C’est l’automne et sa pluie, ses tapis de feuilles, ses peaux qui se cachent et se recroquevillent. C’est la routine des imprévus, les petites et grandes pannes des choses et des êtres, les accidents du temps qui freine et accélère sans se soucier des esprits ballotés. D’autres sont plus lointains mais non moins présents. C’est Noël et la famille bientôt réunie, les cadeaux déjà choisis, l’entrée dans la semaine de la fin du monde 2012. Ce sont les mille et une informations locales, nationales, globales souvent plus tristes ou scandaleuses qu’enthousiasmantes et vertueuses : Sandy blessant bruyamment New-York et détruisant silencieusement Haïti, Benoît, Bachar et Vladimir et Lance et François et... désespérants d’immobilisme, d’impuissance, de vice, d’arrogance, de fourberie ou de férocité.
Le soleil lui-même a fui devant la confusion des idées matinales brassées dans mon petit melting pot perso. Le petit claquement des gouttes de pluie sur ma vitre accompagne maintenant le ronflement de mon vieil ordi. Le dérèglement climatique est bien là, sous mon nez, aussi menaçant que ce nuage si gros, si noir, si inéluctable. Trop tard pour composer, tous aux abris, puces à la niche, bonhomme sous la couette ... à rêver d’autre chose !