J’ai encore fait un rêve la nuit dernière. Je rêvais que je volais. Ça n’est pas nouveau : j’ai l’habitude de me hisser dans les airs et de m’y déplacer en battant des bras et des jambes, comme dans l’eau. Mais cette fois que je n’étais pas seul. Un couple m’ accompagnait, lui qui a renoncé dès les premières brasses, elle qui peinait bien un peu mais qui arrivait à me suivre, soufflant et gesticulant dans le courant de l’air (non, non, je ne donnerai pas les noms :-). Nous survolions de l’eau, sans doute l’eau de l’océan puisque dans le fond tout là-bas nous commencions à discerner des îles. Juste au-dessous de nous, des balises marines signalaient des hauts-fonds que nous nous estimions heureux de pouvoir ignorer de notre hauteur. Les îles, plutôt des îlots minuscules, se rapprochaient de nous à vive allure et bientôt nous pûmes en décerner une d’où s’échappait une étrange lueur. Quasi instantanément je me vis surplombant ce qui n’était pas beaucoup plus qu’une grotte immergée, inondée de lumière et de chaleur. Au centre des rochers, installés comme dans une grande piscine, s’ébattaient une dizaine d’oursons blancs et bruns. Pas plus étonnés que ça, nous sommes restés un certain temps plongés dans la contemplation du surprenant spectacle. Lorsque nous avons dégagé le regard du puits de lumière, nous nous sommes aperçus que les îlots environnants s’était fondus dans la brume, que le temps s’était obscurci et qu’il convenait donc de regagner la terre ferme. Nous devinions encore la côte à l’horizon et la perception du vent dans la voilure que formaient nos bras en découpant l’espace nous rassurait quant à la direction à prendre. Mais alors que nous nous rapprochions, une haute falaise grise s’est dressée comme un obstacle étrange, à la fois fuyant notre approche et paraissant devoir s’opposer indéfiniment à notre progression.
Mon réveil définitif mit fin à l’inquiétude grandissante du rêve devenu cauchemar. Ouf ! Tout est bien qui finit pas trop mal ? Hélas non, l’angoisse consciente prit la relève de l’inquiétude inconsciente pour me pourrir la vie : suis-je normal, Docteur ? Se mettre à voler, voir des oursons s’ébattre dans l’océan, batailler avec une muraille refusant le combat ne sont-elles pas les créations d’un cerveau malade ?
Rassurez-vous mon cher monsieur, des tas de gens rêvent qu’ils volent !
C’est une épidémie alors ? Un défaut génétique à grande échelle ?
Meuh non ! Vous avez survolé l’océan pour assouvir vos désirs de liberté, votre boulimie de nouveauté vous a fait découvrir l’inexplorable, le rempart mouvant de la raison vous a ramené dans la conscience ... Rien que du banal tout ça ! Dormez tranquille.