Amsterdam. Je viens de visiter (trop) rapidement le cœur de la ville aux cent visages, au pas de charge, sous la menace des nuages du Nord mais le Nikon armé et l’œil en alerte. Cent visages ? Trop facile et finalement réducteur, à l’image pourtant de la centaine de captures d’écran engrangées dans le boitier. Amsterdam, c’est la toile d’araignée liquide des canaux, les pignons en pointe, à courbes, à corniche, la brique partout, la verticalité mal assurée, la peinture rutilante, à la hollandaise, les plaques colorées incrustées un peu partout, les sculptures plus ou moins kitsch, les rues étroites, encombrées de badauds, de cyclistes pressés, d’automobilistes qui font avec, les églises payantes, le quartier rouge avec ses appâts de chair plus ou moins ferme en vitrine, ses pissotières à l’ancienne le long du canal, les vélos cadenassés sur l’acier des parapets, pour un instant seulement ou définitivement abandonnés, les bateaux qui vont sur l’eau et ceux qui y sont sans n’y être plus allé depuis bien longtemps si on en croit leur décrépitude, les péniches reconverties en maisons et les maisons construites comme des bateaux, tous objets flottants mal identifiés accrochés aux quais par les chaines d’un certain confort, conduits des divers fluides, passerelles de circulation derrière la grille d’entrée et la boite aux lettres, jardinet d’agrément ou micro-potager, les petits coffee shops et leur aura sulfureuse bien capable de prêter à tout jeune chevelu passant dans le cadre des allures de hippie, ... [1]
Le soir venu, je me suis dit que l’overdose était proche, qu’il y avait quelque chose d’artificiel dans cet eden à la fois naturel et polissé [2], désordonné et policé,que la mise en scène du spectacle que la dizaine de millions de touristes annuels venait chercher à Amsterdam était probable sinon certaine. Les restaurateurs proposent des plats à la cocaïne, les confiseurs étalent des sucettes au cannabis, la ville possède un musée du sexe, ne met pas d’ordre dans le désordre en ne retirant pas les quasi-épaves le long des quais ni les cadres de vélos rouillés dans les rues, ni les dames peu vêtues derrière les vitrines, ni le commerce douteux des coffee shops encore ouverts ici semble-t-il aux non résidents [3]. Je me demande même si les dames sans dessous ci-dessus ne sont pas rémunérées par l’office de tourisme de la ville ... Ah ! Amsterdam ...