Nos élus font-ils du vélo ? Rien n’est moins sûr. On peut imaginer des tonnes de raisons bien capables d’étayer cette conviction : ventripotence, sénilité, surbookage, ... Eh bien, ils devraient ! Ça leur ferait perdre quelque bourrelets graisseux, prendre un coup de jeune et leur libérer l’esprit des contingences ordinaires. Surtout, ça leur permettrait de prendre les décisions les moins mauvaises à défaut d’être les meilleures quant aux déplacements citadins des populations qui les ont choisis. Je m’explique. Un maire-qui-fait-du-vélo se satisferait-il des petites flèches vertes peintes à vingt centimètres du caniveau ? de bouts de pistes cyclables coincées entre deux coupe-gorges ? de chemins abandonnés déclarés bons pour la pédale douce ? Un maire-qui-fait-du-vélo rénoverait-il ses routes, ses rues et ses quartiers sans prévoir de circulation vélocipédique en site propre ? sans effacer l’agressivité des bien belles bordures de granite ? sans rendre impossible de stationnement dangereux d’automobilistes inconscients, sans même tenter de se donner bonne conscience en instaurant la "circulation douce" qui donne une voie commune aux piétons, cyclistes, motos, voitures et fauteuils roulants, les uns devant veiller à ne pas écraser les autres, les autres devant veiller à ne pas se faire écraser pas les uns, c’est toute la différence ? Bref, un maire-qui-fait-du-vélo n’aurait-il pas à coeur de sortir du raisonnement vicié sempiternellement récité par le cercle vicieux des zélus-qui-ne-pédalent-pas : rien pour le vélo tant que si peu d’électeurs le pratiquent ?
Bien sûr que le Français n’utilise pas spontanément le vélo, comment le pourrait-il ? Le flot d’acier bruyant et polluant ôte toute sérénité au cycliste téméraire, qu’il soit fluide ou embouteillé, qu’il puisse contraindre à sauter sur le bas-côté à la perception d’un freinage rapproché intense [1] ou bien à pousser ses deux roues sur le trottoir entre des moteurs impatients et des portières potentiellement ouvrantes. Bien sûr que nous avons plus de côtes à grimper que nos voisins hollandais, que le ramassage scolaire évite à nos jeunes la fatigue et l’inconfort (mais aussi l’acquisition de la culture vélocipédique) que les enfants de ces mêmes voisins doivent endurer chaque matin et chaque soir d’une année scolaire plus longue que la nôtre, quelle que soit la météo et jusqu’à la dizaine de kilomètres si j’en crois un témoignage récent. Bien sûr, bien sûr ... mais si nos dirigeants faisaient du vélo, l’argent dépensé à la confection des beaux trottoirs, à la décoration des beaux giratoires, à la libération et l’aménagement des espaces où s’immobilisent les automobiles, au ramassage scolaire même puisqu’on en parlait, tout cet argent-là devrait bien pouvoir nous faire de belles pistes cyclables, peut-être même chauffées puisque les dits voisins en étudient la possibilité sur quelques secteurs très fréquentés et susceptibles de geler. Mais "si ma grand-mère faisait du vélo" ...