Voulez—vous que je vous dise ?... Non ? Bon, tant pis. Je le regrette car je suis certain que cela vous aurais intéressés et que vous le regretterez vous-mêmes si vous apprenez un jour de quoi il s’agit. Je vous entretiendrai donc d’autre chose ... Tenez, je ne sais pas vous, mais moi, quand on m’invite à participer à un événement, j’essaie de le faire de l’intérieur, en m’efforçant de comprendre. Lorsque, de toute évidence, il n’y a rien à comprendre, que tout est plaqué toc et que les participations ne sont que polies et obligées, je cherche à savoir pourquoi et pour quoi. Ça occupe l’esprit et c’est toujours ça de pris sur l’ennui de la chose ...
Pourquoi donc suis-je parti sur cette flèche ? Ah oui ! C’est que mon grand âge m’amène de plus en plus souvent à accompagner dans les églises le départ définitif des proches plus ou moins proches qui en ont décidé ainsi - de nous quitter, je veux le croire, et de le faire dans une église, je veux bien y croire. Tout récemment, c’est un événement plus joyeux qui m’a entraîné dans un bateau catho - une nef de l’Église - puisqu’il s’agissait d’un anniversaire de mariage, les noces d’or, cinquante ans d’engagement, celui d’un prêtre avec son Dieu tout comme celui d’un mari avec sa femme, avec la petite différence que le divorce sacerdotal éventuel est forcément unilatéral. Divorce ? Avec ou sans soutane, l’homme est humain bien sûr : j’ai cru comprendre que sept des quatorze séminaristes promus (consacrés !) il y a cinquante ans ont rompu le contrat sur la longue route, ce qui, compte tenu de l’unilatéralité ne fait pas un meilleur taux que celui des mariages communs. Aucune jubilation de ma part dans ce constat, juste de quoi mieux apprécier l’événement auquel j’étais convié et auquel j’ai donc voulu participer "de l’intérieur" comme je vous le disais, vous vous souvenez ?
J’ai donc écouté les textes, entendu les chants, pesé les prières, observé les gestes, exploré l’assistance ... Mon Dieu que certains intérieurs sont éloignés de mon extérieur ! Église pleine à craquer, ferveur active, rituel clair et riche, paroles fortes jusqu’à l’incantation, tous les éléments d’une belle image m’étaient offerts et je n’ai pu y voir qu’une image d’Épinal à ranger dans le catéchisme de mes 7 ans. Il me semble même que le rappel de plus en plus fréquent de ces images devant ma myopie spirituelle me fasse l’effet de piqûres - piqûres de rappel justement - pour une immunisation progressive et consolidée contre l’esprit [1] très particulier qu’elles me semblent véhiculer.