Un ami allant continuellement par monts et par vaux [1]sur son petit bateau me disait récemment rencontrer davantage de "petits voiliers ordinaires" que de "monstres de luxe" dans les eaux nomades, une des explications possibles étant qu’il vaut mieux être pauvre et libre que riche et captif pour pratiquer la voile au long cours.
Quelques heures de défragmentation cérébrale nocturne plus tard, je me dis que l’explication ne vaut pas.
Un pauvre n’est libre que s’il ne veut faire que ce qu’il peut avec ses petits sous et s’il est vraiment pauvre, il peut peu, veut peu et ne fera pas grand chose dans son petit espace des possibles. La pratique de la grande liberté cérébrale des reclus volontaires dégagés des contingences liées au siècle n’est pas la destinée de tout un chacun. La liberté d’un pauvre s’arrête au bout du ponton ...
Un riche n’est captif que s’il ne peut pas faire ce qu’il veut avec ses gros sous et s’il est vraiment riche, il peut beaucoup dans un espace-temps qu’il ajuste à ses envies. Il s’achètera du temps le temps de ne plus s’occuper personnellement de ses affaires et/ou s’achètera de l’espace qui lui permettra de continuer à s’en occuper. La captivité d’un riche se déploie dans la cage globale, s’étale sur toutes les mers ...
Les "petits voiliers ordinaires" des marins ni pauvres ni riches rencontrés majoritairement par l’ami voileux sont tout bêtement les bateaux qui fréquentent par goût les mêmes contrées que lui, les "monstres de luxe" des riches plus ou moins marins préférant tracer leur route et/ou jeter leurs ancres sur d’autres fonds. Non ?