Ça tourne pour elle

Cinquante ans de services connus de moi et sans doute bien davantage de services inconnus précédents, c’est qu’elle en avait transporté des tonnes ma vieille brouette ! Du bois, des pierres, des branchages, de la terre, des choses ... Sa grande roue métallique avait parcouru bien des kilomètres au-dessus des bosses et des trous, sur l’herbe fraîchement tondue ou dans les broussailles des zones de non-droit, à l’ombre des grands chênes ou dans l’obscurité des immenses lauriers.

 

Sa longue vie de labeur l’avait marquée, bien sûr. Des parasites s’étaient installés dans quelques longerons moins bien défendus ; des prothèses avaient été nécessaires ici ou là qui lui donnaient un petit air "retour-de-la-guerre" ; une poignée s’était levée au-dessus de l’autre, comme un sourcil s’interrogeant sur ce qu’on va bien encore lui demander, elle accompagnait toujours ses déplacements d’une mélodie plaintive, pas revendicative, non, juste pour dire qu’elle pouvait encore mais que ...

 

Depuis quelque temps déjà circulait l’idée de la remplacer par une jeunette, plus alerte, plus robuste. Mais aucune ne convenait. Les petites roues gonflées si agréables dans les potagers citadins franchissent plus difficilement les sols moins policés. Les bacs métalliques si pratiques pour transporter les bûches du commerce calibrées à 50 cm ne peuvent pas recevoir les rondins, les branchages, les tailles de toute taille.

 

Le doute n’était plus permis : il fallait la cloner, reconstruire à l’identique le btte autour de la roue. Du bois, du travail, du temps et quelques euh ?... le tour était joué, ma vieille brouette renaissait. Au boulot, ma brouette, va falloir crocher d’dans !