Nous sommes bien peu de chose et la menace est partout mon bon monsieur ! L’âge avançant grandement, on pourrait même accuser la vie d’abus de faiblesse puisque c’est d’elle même qu’il convient de se méfier, bien davantage que des voyous en arme ou en col blanc, bien plus que de la pollution ou du réchauffement climatique. Oui, ma bonne dame, à nos âges, c’est bien la vie dont il faut surveiller l’activité à l’intérieur de soi-même si on souhaite profiter encore un certain temps de son transport, quand bien même il prend de plus en plus l’allure de vieille guimbarde, décrépite mais roulante tant bien que mal.
C’est "mon" médecin qui me l’a laissé entendre à demi-mot cette semaine. Le possessif est un peu abusif ici vu le peu de visites que je lui accorde mais je l’emploie sans scrupule puisque c’est mon argent qu’il a déposé dans son tiroir-caisse et qu’il y a donc un peu de moi chez lui. Ce cher technicien des organismes s’inquiétait donc du bon fonctionnement du mien. L’estomac, ça va ? Les intestins sont sains ? Les selles sont belles ? Les urines, c’est clean ? Le pouls, ça roule ? Et le coeur ? Vraiment rien à signaler ? Sa sollicitude toute professionnelle a fini par titiller mon fond naturellement inquiet. Le coeur, c’est important ça, le coeur, et ça ne prévient pas trop avant de tomber en panne. La défaillance ne me guette-elle pas lorsque je produis mon effort de vieux sur mon petit vélo ? Ma tension a bondi. Cardiologue ? Vite docteur, introduisez-moi !
Et pis, tant qu’on y est, pourquoi ne pas participer modestement au trou de la sécu [1] en lui demandant carrément un bilan de santé capable de détecter quelque vice tapis sous les saines apparences ? Sucre ou albumine dans les urines, diabète ou méchant cholestérol dans le sang, et sang partout où il ne doit pas être ? Mieux vaut prévenir que guérir, n’est-il pas ? Et le plus tôt est le mieux, même si le domaine de la prévention augmente considérablement sur le tard de la vie. L’oeil de la sécu peut bien s’arrondir au dessus de son trou : la médecine qui tentait jadis de nous soigner s’est mise naguère à chercher de quoi nous étions malades et s’efforce maintenant de trouver de quoi nous pourrions être malades. Les dames Naïde et leur tonneau ...