Fâcheux flashes

La route est dangereuse, il faut terroriser les terroristes de la route, prendre à la gorge les bandits de grand chemin qui y sévissent, porter les coups où ça fait mal : au porte-feuille. La lutte de nos autorités contre le grand-banditisme routier monte en puissance au rythme des annonces des bienfaits de ses actions : 14 morts en moins par-ci, 26 vies épargnées par-là. Sans jamais dévoiler les noms des survivants, mais le citoyen (moyen, forcément) croit sur parole la bonne parole ... La mauvaise parole, celle qui ne doit pas se dire, n’est pas annoncée au citoyen (moyen, encore). Elle se murmure pourtant dans les chaumières et les bagnoles : l’attaque au porte-feuille au titre de la prévention routière, ça rapporte des sous, et ça doit rapporter encore plus pour sauver le pays de la banqueroute, les entreprises de la déroute, les banques de la bi-route dégradante ah !ah !ah ! (et non pas ha !ha !ha !).

 

Moi monsieur, si j’étais mauvais conducteur régulièrement prélevé, voire conducteur négligent occasionnellement ponctionné, ou bien même encore conducteur border-line blanche exceptionnellement épinglé, moi madame, si j’étais concerné, je tiendrais chacun de ces petits hold-up réalisés pour une grande part à l’ombre des flashes de plus en plus souvent banalisés (des pièges, quoi !), je les tiendrais donc pour des impôts supplémentaires, une contribution exceptionnelle aux finances publiques. Et je continuerais, toute bonne conscience ainsi consolidée, de rouler au moment, à l’endroit et à la vitesse qui conviennent. Un feu rouge de deux minutes installé pour travaux sur dix mètres deviendrait vert en l’absence de circulation opposée, une ligne-continue-infranchissable paraîtrait pointillée pour dépasser un cycliste à la distance de sécurité (1,5 mètre, souvent non respectée et rarement sanctionnée, elle), le 5 de 50 s’arrondirait vers le 6 pour que le ridicule d’une vitesse largement sous-dimensionnée ne tue plus sur certaines voies urbaines.

 

Tous PV payés, il me serait facile de renvoyer les quémandeurs institutionnels vers le Trésor Public avec un sonore "j"ai déjà donné". Et tant pis si l’État - et les citoyens (moyens, toujours) qui l’ont fait roi - ne fait pas les "bons" choix, préfère l’armée à la santé, la répression à l’éducation, l’assistance à l’aide, ... Nos gouvernants devront quand même prendre garde à ne pas tarir une telle source de revenus en retirant les points du permis avec modération, un peu comme ils pratiquent avec modération l’augmentation du prix du tabac qui doit rapporter des sous sans tuer le fumeur.