Miracle ?

La vie est un miracle, une merveilleuse anomalie du désordre naturel, le résultat d’un assemblage encore incompris et non totalement recensé d’éléments maillés, de mécanismes corrélés. Le miracle paraît souvent mirage quand on oublie ou quand on veut oublier que les grains de sable capables de le briser sont dans la machine dès sa construction et que les vents de la vie en apportent sans possibilité de répit. La maladie n’est jamais loin. Celle des autres, on le sait bien ; celle des proches, on veut ne pas y penser ; la sienne propre, on ne veut pas y croire.

Comme tous les miracles, la vie est injuste. Pourquoi l’eau a-t-elle été changée en vin aux seules noces de Cana alors que des tas d’autres noces pas moins dans le besoin auraient aimé profiter de la transmutation ? Pourquoi Lazare ? Pourquoi lui plutôt que moi ? Moi plus tôt que lui, puisque s’agissant de la maladie c’est une question de temps ? Lazare n’a pas été ressuscité pour l’éternité, n’est-ce pas ? Peut-être pourrait-on avancer que l’injustice est assez justement répartie, qu’il y a autant de morts chez les riches que chez les pauvres, que la maladie frappe autant les grands que les petits, que les grains de sable viennent finalement à bout de tous les miracles. Sans doute, sans doute. Mais sans doute pas de la même façon pour tous ...

Et s’il n’y avait que les grains de sable ! Quand ils deviennent balles, obus, roquettes ou missiles, alors les malades meurent d’autre chose que de leur maladie, l’essence n’a plus d’existence, l’être n’est plus ... (bof !). À en croire l’Histoire - confer les commémorations de 14-18, ou les multiples événements barbaro-guerriers actuels, le miracle de la vie semble rester inaccessible à trop de cervelles qui se prennent pour des cerveaux, lancent leurs intelligences artificielles et/ou leurs hordes préalablement décérébrées à l’assaut de la vie, effaçant un miracle qu’ils ne sauraient supporter.

Miraculeuse, la vie ? Dans son "Enquête sur l’entendement humain", David Hume (1711-1776) écrivait :" Un miracle est une violation des lois de la nature [...]". Ce qui me suggère deux ou trois petites choses. D’abord que les violations des lois de la nature ne sont malheureusement pas des miracles. Ensuite que c’est sans doute parce que les lois de la nature nous seront encore longtemps inaccessibles dans leur intégralité que nous recouvrons nos incompréhensions d’un voile miraculeux. Et puis aussi que si les lois de la nature participent aux lois de la vie, les lois des hommes y prennent une part croissante et telle qu’il faudrait un miracle pour qu’elles ne mènent pas l’humanité à la catastrophe. Autre chose ? ...