6 novembre- Vol en suspens

      Ma voiture est bien vieille. Elle a laissé beaucoup de gomme sur le bitume, de CO₂ dans l'atmosphère. Elle est comme une vieille dame dont un affreux sexiste dirait qu'elle a des heures de vol. Mais son vol - pardon, son déplacement - est menacé, en devient risqué, incertain.

      Elle ronronne encore, certes, les entretiens réguliers l'ont maintenue en forme, aucune utilisation excessive ne l'a prématurément détruite, son turbo l'a parfois fait consommer trop et trop riche mais sans turbo où est le plaisir ? Des pièces d'usure normale ont été changées, des accessoires défaillants ont été supprimés, des bricolages ont guéri quelques défauts, son look est encore fier malgré les quelques bosses et même les petites plaies visibles sur sa tôle.

      Un contrôle technique vient pourtant d'assombrir son avenir. Un possible danger mortel la guette et la solution pour la contrer est incertaine et risquée. Ma tuture polluerait anormalement, des particules de gazole mal brûlé s'échapperaient de ses entrailles. Mauvaise combustion dont les causes sont multiples. Le spécialiste dit qu'il faut lui faire passer des tests mais j'hésite : ces tests, accompagnés de mises en surrégime, de démontages - remontages peut-être nombreux ne vont-ils pas accentuer le problème, en créer d'autres, accélérer sa mise à la ferraille ?

      Le spécialiste me presse. Ma voiture ne passera pas le prochain contrôle, c'est certain. Sans doute même expirera-t-elle bien avant, c'est probable. OK, OK, mais c'est ma tuture, monsieur le spécialiste et je trouve urgent de réfléchir pour ne pas avoir à regretter. J'aurais fait le maximum, vous comprenez ? Même si, a posteriori, les décisions issues de cette réflexion se révèlent ne pas avoir été les meilleures...