La justice est sans doute un des arguments les plus invoqués contre la "réforme de la retraite" envisagée actuellement par notre gouvernement. Que différentes raisons l'aient empêché de s'attaquer il y a quelques années aux régimes spéciaux si inégalitaires n'empêche pas de penser que toute réforme de sa part, même largement édulcorée, sera forcément injuste. Pour les carrières longues, c'est pas juste ! Pour les carrières fragmentées, c'est pas juste ! Pour les métiers pénibles, c'est pas juste ! Pour la tranche des 50-60 ans actuels, c'est pas juste ! Pour mon cas perso, regardez, c'est pas juste !...
La révolution, sans culottes ou avec gilets jaunes, oui ! L'égalité est au bout des pics porteurs de têtes coupées. La réforme, non ! Les injustices sont forcément au bout des agissements des gens de pouvoir.
À la longue liste des injustices "insupportables" imposées par la réforme envisagée, je ne résiste pas au plaisir d'en ajouter une que je n'ai jamais lue ou entendue nulle part. Elle concerne le parcours de celles zet ceux dont le parcours comporte des études longues.
Trois injustices me semblent liées à cette situation.
La première est que le travail d'un étudiant semble ne pas être considéré comme un travail, avec sa dose de labeur voire de pénibilité physique, intellectuelle et morale. Certes, chacun connaît des étudiants qui "n'en foutent pas une", mais j'en connais d'autres qui se sont grandement privés de sorties, cinéma, culture et sport pendant une bonne partie de leurs études.
La deuxième est que ce travail s'effectue, non seulement sans salaire, mais moyennement financement de l'étudiant ou de sa famille. Certes, chacun connaît des étudiants "fils de" chez qui l'argent coule à flot ou qui ont des relations profitables, mais j'en connais d'autres qui vivent chichement, dont les parents se serrent la ceinture ou qui pratiquent des petits boulots pas forcément profitables pour leurs études.
Et la troisième est justement celle qui vient couronner les deux premières : parce qu'il a dû entrer tard dans le travail salarié, il devrait en ressortir plus tard. Beaucoup disent que c'est bien normal vu que leurs études les amènent à des métiers plus lucratifs que les emplois occupés par les jeunes qui n'ont pas pu ou pas voulu faire d'études. Mais je dirais que sur la durée des études de l'étudiant, le jeune entré tôt sur le marché du travail aura reçu un salaire a priori croissant, que les salaires ne sont souvent pas à la hauteur de l'investissement à la sortie des études (cf la rémunération des profs à bac + 5) et que le marché du travail impose trop souvent le déclassement des diplômes, et que la plus grande longévité des salariés diplômés n'est sûrement pas dû à un moindre stress (*).
(*) Beaucoup resterait à développer mais cette humeur est déjà beaucoup trop longue, n'est-ce pas ?