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mamimadi
l'humeur hebdomadaire

2 avril - À la Jaenada

       Au sortir d'un livre, il m'arrive de songer à imiter le style de l'auteur. Pour le fun. Style poétique à la Jacques Prévert, style un peu lourd à la Christine Angot, style doctoral à la Raphaël Enthoven...

À la Jaenada       J'ai avalé voici quelques mois déjà "La petite femelle" de Philippe Jaenada et je me trouve actuellement en train d'ingurgiter le dernier ouvrage du même auteur, "La serpe". Lente ingurgitation puisque le dit volume en a un certain, de volume : 500 pages narrant l'histoire abracadabrante de l'auteur présumé et néanmoins acquitté d'un abominable triple meurtre pendant la "dernière guerre", Henri Girard, alias Georges Arnaud, auteur entre autres écrits du fameux "Salaire de la peur".

       En réalité, deux récits s'enchevêtrent ici. Celui qui est construit autour des faits historiques avérés et des hypothèses qu'il est possible d'élaborer quant aux faits réels, et celui de l'enquête elle-même, l'auteur parcourant les documents de l'époque, revenant sur les lieux, discutant avec les descendants des témoins du drame, un auteur qui a une voiture Meriva de location, une épouse Anne-Catherine un peu gratte-poil, un fiston Ernest complètement ado, une timidité à la hauteur de son encombrement, bref un auteur qui mêle sa vie à l'énigme qu'il se propose de démêler. Premier sujet d'étonnement.

       Cette imbrication des époques et des scènes se traduit dans le texte par de nombreuses digressions et apartés mis en paragraphes intercalés, en phrases insérées ou, le plus souvent, entre parenthèses. Les trois pouvant se combiner jusqu'à perdre le fil et se retrouver l'esprit dans le vide après la fermeture de la troisième parenthèse dans la parenthèse de la parenthèse. Surprise garantie, plus ou moins agréable et reprise obligatoire de la lecture à partir du dernier point à peu près assuré.

       Le lecteur se laisse d'autant plus facilement enfermer dans l'incompréhension que les noms des nombreux personnages défilent à grande vitesse, avec les liens de parentés, les relations d'affaire, de travail, de voisinage, de copinage ou les rencontres qui auraient pu ou dû être et qui n'ont pas été. Le tout dans une langue souvent davantage parlée qu'écrite, une logorrhée de mots dont la disposition suggère l'intonation, le non-dit, l'image ou le véritable sens.

       Bref, mon imitation - pâle imitation, n'ayant pas le génie littéraire qui conviendrait, forcément - ferait quelque chose comme ceci, pour rendre compte (exemple pris au hasard et pour tout dire tout à fait hasardeux) d'un spectacle donné par la chorale des Choralines-Korholen :

       Les choristes s'étaient installés sur la scène de l'Artymès (une très belle salle construite tout récemment grâce en partie aux fonds dus à la commune de Mesquer au titre de dédommagement après les dégâts provoqués par la marée noire qui a suivi le naufrage de l'Erica (rappelons-nous, c'était quand même à la toute fin de 1999 et il aura fallu tout ce temps pour que les dommages soient gommés (et comment !))), les altis, les sopranes, les ténors et les basses (les hommes sont beaucoup moins nombreux que les dames ; je les aurais bien rejoints sans une certaine incompétence - incompétence certaine, confimée par Marie-Edwige mon épouse - dans ce domaine du chant, choral ou non) alignés devant le chef de chœur en nœud pap et la moustache (est-ce un attribut inhérent à la fonction ? un marque indispensable au porteur d'autorité ? une coquetterie stimulant le "regardez-moi !" obligeant chaque choriste ?) frisée.

       J'exagère ? Ha ha ! Les exemples foisonnent mais seraient trop longs à reproduire ici ; le mieux est d'aller les retrouver dans le texte intégral (passionnant malgré tout).

Lutin