Humeurs 99 : de mon temps ... |
J'ai vu | J'ai entendu | J'ai lu | Demain | Dis-moi |
FÉVRIER 99 | Calculettes Il n'y avait pas d'ordinateurs, pas de calculatrices, pas de calculettes. Les longues additions, étaient effectuées à la main. Les multiplications et divisions devaient subir le test de la "preuve par 9". L'extraction des "racines carrées" était réservée aux meilleurs de la classe. Les machines, mécaniques d'abord, puis électro-mécaniques sont devenues progressivement plus accessibles et nous ont aidés de leurs allers et retours incessants. Mais quelle différence avec le confort, la rapidité, les possibilités des machines d'aujourd'hui ! |
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A pied Avant la guerre,
... il n'y avait pas de ramassage scolaire comme de nos jours. Et si l'école était bien obligatoire, il fallait s'y rendre à pied. Nous parcourrions donc quotidiennement et en toute saison quatre fois trois kilomètres avec sabots et galoches pour répondre au souhait de Jules Ferry (je crois, à moins que ça ne soit plutôt Charlemagne ?) Il est vrai qu'actuellement, malgré le transport par cars, certains jeunes peuvent perdre autant de temps que nous autrefois dans ces déplacements. Peut-être le perdions-nous un peu moins ce temps, obligés que nous étions alors d'être à l'écoute d'un environnement tour à tour difficile et menaçant ou agréable et souriant. |
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Saisons De mon temps, il y avait des saisons, des vraies. Des hivers régulièrement froids, avec de la glace dans les fossés (ils n'étaient pas busés alors). Je me souviens même du "Bouillon de Pouloué" à Fourbihan sur lequel il nous est arrivé de faire quelques pas. Mais on entend parfois dire que des records sont battus : de chaleur, de pluie. "Il n'avait pas autant plu depuis janvier 1930 !" Et je me dis que nos souvenirs sont bien sélectifs : ne nous restent que ceux qui nous conviennent. C'est sans doute préférable, si cela ne nous empêche pas d'apprécier le présent. |
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MARS 99 |
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Braconniers Naguère, il me semble que la justice badinait moins avec les atteintes à la propriété. Je me souviens de jeunes braconniers condamnés à trois jours de prison pour un lapin capturé dans les bois du châtelain. Trois jours de prison et la honte d'être cité trois jours de suite dans le quotidien régional. Il en faudrait sans doute davantage aujourd'hui pour mériter cette condamnation : briser une vitrine, détériorer un Abribus, incendier une voiture ne semblent pas y conduire. Et avoir son nom dans le journal serait plutôt un honneur, non ? |
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L'Almanach L'Almanach du Marin Breton appartient à l'environnement de l'homme de mer au même titre que l'Opinel. Les maximes et pensées fortes qui trônent sur un certain nombre de pages ont souvent contribué à l'animation de mes navigations. Je me souviens particulièrement de l'une des toute premières que j'ai pu lire, il y a ...un certain temps déjà : "Plutôt un troisième enfant qu'un congélateur neuf" La comparaison m'a toujours amusée. Elle rappelle quand même que le confort du congélateur n'était alors pas accessible à tous. Elle met surtout en relief une certaine absence de hiérarchie des valeurs, observée à toutes les époques. Il suffit de remplacer le congélateur par la voiture, la maison ou le plan de carrière. |
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La Turballe bretonne De mon temps La Turballe était en Bretagne. C'était avant que des Parisiens n'en décident autrement et ne la placent dans le giron des Pays de Loire. Entre Loire (nationale) et Vilaine (bretonne) se trouve la Presqu'île guérandaise dont La Turballe est une des ouvertures sur l'océan. Les "pieds salés" se reconnaissent sans doute moins dans la douceur angevine que dans les embruns du littoral. Pas seulement pour le climat et l'environnement, bien sûr. Egalement et surtout pour les caractères que ceux-ci ont imprimés en eux. Rudesse plutôt que souplesse, accueil plutôt que civilités, franc parler plutôt que bien parler, mais aussi obstination plutôt que réalisme et grain de folie plutôt que conformisme ... |
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Soins d'antan Six kilomètres à pied pour aller demander la visite d'un médecin, et autant pour en revenir, bien sûr. Douze autres kilomètres pour se procurer auprès du pharmacien les médicaments prescrits. C'était au temps où on hésitait plus longuement que maintenant avant de se déclarer malade. A cause des pieds, entre autres. Ca n'était pas une bonne chose : la plus grande accessibilité aux soins médicaux actuels permet aux anciens de vivre mieux et plus longtemps, en moyenne. Mais la mesure du chemin parcouru me permet de mieux apprécier son aboutissement d'aujourd'hui. |
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AVRIL 99 |
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Fête-Dieu Le spectacle printanier des plantes et des arbres montrant le bout de leurs pousses ou de leurs bourgeons me fait penser aux fleurs qu'il annonce pour bientôt. Et me rappelle (allez savoir par quels détours de mes grises circonvolutions ...) les débauches coloriées et odorantes auxquelles donnaient lieu les Fête-Dieu de ma jeunesse. Des reposoirs multicolores accueillant pour quelques instants les prières et méditations des "processionnaires". Des tapis de pétales de roses disposées en motifs géométriques sur le chemin, liées par la sciure de bois préalablement teinte. Des pétales également dispersées par les jeunes choristes en grande tenue, à la fois semeurs et encenseurs. Beaucoup, beaucoup d'images d'autrefois. J'ai l'impression que ça fait bien longtemps, tant notre vie d'aujourd'hui en est éloignée. |
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Plomb de sonde Certains pêcheurs de La Turballe et d'ailleurs qui partent en retraite actuellement ont connu la navigation sans GPS, sans radar, sans sondeur. Ils ont dû trouver les lieux de pêche, les fonds à poisson, retrouver le port sans ces aides jugées indispensables actuellement. En scrutant la surface de l'eau, en captant les odeurs du vent, en estimant ... J'en connais un qui a commencé sa carrière de pêcheur comme sondeur : il était consigné sur le pont pour lancer la cale de plomb "à une distance de", variant en fonction de la profondeur estimée et de la vitesse du bateau, puis la remonter en notant la longueur de fil brassé et la nature du sable ou de la vase éventuellement collé sur le suif. Le plomb de sonde est toujours obligatoire à bord de nos voiliers mais on ne le lance plus souvent depuis nos balcons. |
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Plumes et encre Le stylo-bille plus ou moins amélioré n'était bien sûr pas encore inventé quand les bancs de l'école m'ont supportée. Le stylo-plume ne convenait pas à mon niveau de vie. Comme beaucoup, j'ai appris à écrire avec une plume au bout d'un porte-plume. Le tout rangé dans le classique plumier, avec le compartiment plumes et le compartiment porte-plume. Deux sortes de plumes : dures et souples. A tremper dans l'encre violette de l'encrier encastré dans la table. Pas trop profondément pour retarder au maximum les taches sur les doigts. Ecrire en pleins et déliés, avec boucles et liaisons. Sans oublier le coup de buvard : glisser la main en fixant le buvard. Madame ! J'ai plus d'encre ! |
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Route pêche Les anchois font actuellement les beaux jours de la pêche turballaise. De mon temps, c'était plutôt la sardine. Des bateaux qui partent aux premières heures de la journée pour être sur les lieux de pêche au lever du jour. Une douzaine d'homme à bord. Et un mousse. Rangements pour la route pendant que le mousse plonge la tête dans les barils de rogue pour en remplir les bailles à placer dans les canot(e)s. Un petit casse-croûte dans le carré aux odeurs douteuses et bruyant du moteur tout proche. Et un court repos dans des bannettes incertaines. L'expérience du patron décidait du lieu de prospection. Le sondeur confirmait le choix, mettait le bateau en panne et les canot(e)s à l'eau pour une journée qu'on espérait profitable. |
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MAI 99 |
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Mollusques affûtés Les grandes marées de ces dernières semaines me rappellent le temps où vous alliez pêcher les couteaux sur la grande plage de La Turballe, celle qui mène à Pen-Bron. Vous confectionniez d'abord comme de petites lances à partir de tringles de garde-boue de vélo dont vous aplatissiez l'extrémité en forme de triangle. Munis de ces "armes", vous arpentiez la grande étendue de sable laissée découverte par la marée, à la recherche des trous indiquant la présence des fameux mollusques. Plongée verticale de l'outil dans le trou. Quart de tour de la tige sur elle-même, comme pour verrouiller la pointe de l'outil sous la coque du couteau alors refermé sur la tige. Et remontée de la prise. Et retour glorieux des pêcheurs de côte attendant ensuite que ma préparation culinaire mette en valeur une chair assez dépourvue de "fondant". |
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Pen-Bron Le bois de Pen-Bron est en bonne voie d'être fréquentable : des machines ont nettoyé, élagué, coupé. Il ne devrait plus se prêter aussi facilement à certains rendez-vous éventuellement acceptables dans des lieux privés mais totalement inadmissibles dans des sites accessibles au public. Il me semble que cette partie de La Turballe a toujours eu l'odeur du soufre, depuis les premiers naturistes qui vous faisaient fuir la plage où vous pêchiez coques et couteaux voici presque un demi-siècle, jusqu'aux renseignements presque exclusivement "exotiques" délivrés par les moteurs de recherche d'internet lorsqu'on introduisait "La Turballe" comme piste de recherche, il n'y a guère. Sans aller jusqu'à y créer un golf pour privilégiés, peut-être pourra-t-on aménager ces bois de Pen-Bron pour que les Turballais et leurs visiteurs puissent y trouver un espace de marche et de repos. |
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Scène de senne Thalassa montrait hier soir un chalutier néo-zélandais capable de pêcher par 1000 mètres de fond. En suivant la roche à la dizaine de mètres près. Des "pochées" de 20 tonnes ! Cela m'a rappelé le temps où nos pêcheurs turballais devaient faire remonter la sardine de la vingtaine de mètres où le sondeur (à stylet enregistreur) l'avait repérée. A coup de rogue jetée par les boiteurs des deux canot(e)s largués de part et d'autre du bateau. Les "bourbouilles" à la surface de l'eau donnaient le signal de la mise à l'eau de la senne. Faire rapidement le tour du banc de poissons, remonter la ligne de plombs aussi rapidement pour assurer la prise, puis remonter le filet, main sur main, au prix de 20 minutes d'efforts réguliers. Le salaire du travail n'était pas toujours au rendez-vous : les coups de "chatte" étaient plus fréquents que les pochées d'une tonne. La pêche faite, la sardine devait être débarquée le plus rapidement possible pour la vente à la criée : pas question de transformation à bord comme on a pu en voir sur le chalutier présenté par Thalassa ! |
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Durs, les pneus Confortables, les pneus gonflés de nos vélos, non ? Je me souviens d'un temps, du temps de la "dernière" guerre, où beaucoup de choses manquaient. En particulier -mais ce n'était pas le plus grave- les pneus et les chambres à air qu'on y plaçait alors systématiquement. Utiliser son vélo sur des routes qui n'étaient pas de la qualité de nos macadams actuels nécessitait donc de se débrouiller. Chez nous, nous collectionnions les capsules des bouteilles de limonade et nous les enfilions sur un fil de fer assez robuste. Le fil ainsi "enrobé" était alors placé, refermé et serré sur la jante de la roue. Quelques dernières capsules entaillées venaient terminer le tore sur le fil de fer. Ça roulait le temps que ça pouvait, bien sûr. Mais quel bonheur d'aller sur les chemins .... à bicyclette. |
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Le tennis chez l'aviateur A l'âge ou j'aurais pu le pratiquer, le tennis était pour moi un sport d'une autre planète, réservé aux riches-qui-ont-le-temps. Je m'y suis intéressée tardivement, avec les retransmissions télévisées. Et ça me plaisait bien. Autour de la petite balle blanche de l'époque, les ballets des joueurs se succédaient : Orantes, Chris Evert, Mac Enroe, Edberg ... Je ne retrouve plus chez les joueurs d'aujourd'hui la spontanéité, le plaisir de jouer, les improvisations, l'imagination de l'époque. Voyez le sérieux presque dramatique de certains joueurs, l'ennuyeuse régularité de certains lifts de fond de court, l'abondance des aces qui frustrent le spectateur avide d'échanges, de banderilles avant l'estocade (C'est quoi la tauromachie ?). A voir la foule qui se presse à Roland-Garros cette semaine, je pense que mon sentiment est peu partagé, et que celui-ci doit tenir à mon grand âge ... |
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JUIN 99 |
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Bosse fatale J'aime les vieilles expressions de la marine de mon temps. L'une d'elle me vient à l'esprit régulièrement quand le sommeil m'envahit et que je "tombe sur ma bosse". Je me revois encore, incrédule, devant l'ami pêcheur bien droit dans ses bottes m'annonçant qu'il était tombé sur sa bosse à bord. Il m'a fallu du temps à l'époque pour comprendre que la bosse en question était un cordage de travail quelconque : amarre, filet ... Et que cet ami s'était donc endormi d'épuisement au travail ! |
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Vache à lait Comme beaucoup de jeunes de mon époque, j'ai dû "tirer" les vaches, traire deux fois par jour la dizaine de bêtes vivant sur la petite ferme familiale. Pas dans une salle de traite aseptisée, avec trayeuse pneumatique et réservoirs réfrigérés. Non : assise sur un tabouret, les pieds dans la litière souillée, coincée contre l'animal, exposée aux coups de queue chasseurs de mouches, aux coups de pattes impatients. Il nous arrivait parfois de détourner l'un des pis rincés du lait de la vache et de saisir à la goulée le jet de lait tiède. On ne parlait pas alors de dioxine ou de salmonelle : aucune crainte ne venait gâcher le plaisir ainsi distribué. |
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L'alarme à l'oeil Il me semble qu'autrefois, les cambriolages se pratiquaient la nuit, les artistes du pied-de-biche profitant du sommeil de leurs hôtes obligés et de leurs voisins. Hier, c'est ma voisine qui a été visitée. En plein après-midi. En son absence, bien sûr, mais sous les yeux des voisins dont je fais partie. Un fourgon de voleurs ne se distinguant pas facilement d'un véhicule de plombier (ce qui ne signifie pas que les plombiers soient des voleurs), chacun des naïfs que nous sommes a trouvé sa présence naturelle. L'allongement du temps d'activité diurne des cambrioleurs réduit notre temps de quiétude : nous fermions nos portes pour la nuit, il va nous falloir enclencher nos alarmes nuit et jour. Nous vivons une époque formidable. |
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Vaisselle écolo L'utilisation du lave-vaisselle apparaît comme un jeu d'enfant en comparaison de la corvée de vaisselle qui accompagnait chaque repas, de mon temps. Pas de Paic-citron ou autre dégraissant à odeur agréable. Il fallait plonger couverts, plats et casserolles dans l'eau bouillante, du bout des doigts, et passer la lavette au bout de son manche de bois. Pas très agréable, et pas dénué de risque de brûlures ... Mais alors l'eau de vaisselle convenait à la consommation des bêtes davantage que les farines actuelles incorporant (si j'ai bien compris) des résidus de stations d'épuration et quelques déchets similaires. Additionnée de patates (les jours fastes) ou de son, elle faisait entre autres le bonheur de nos cochons. La pénurie d'eau potable nécessaire aux 12 milliards d'individus annoncés pour 2040 nous amènera peut-être à repenser à ce genre d'utilisation multiple de l'eau de mon époque. |
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JUILLET 99 |
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Inconscient handicapeur Il me semble que de mon temps, les jeunes handicapés étaient cachés par les familles. Peut-être pour éviter les regards curieux, compatissants ou apitoyés des "normaux" vers "l'anormal". Peut-être aussi à cause du sentiment de honte venu de l'idée qu'un tel drame devait être une sanction, une punition révélatrice d'une faute, d'un péché antérieur. On n'en est plus là, heureusement. Mais mon temps n'est pas si lointain et il reste sans doute dans l'inconscient de chacun un peu de ce temps-là, facilement relayé par d'autres peurs, d'autres frayeurs devant le mystère des différences. |
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Il y avait photo Pas d'appareils photos chez nous, de mon temps. Quand nous voulions réaliser des souvenirs d'un événement, il nous fallait demander les services de l'homme de l'art qui nous réalisait de belles photos en noir et blanc, bien posées, retouchées, lissées, pour la postérité quoi ! Je remarque qu'on faisait déjà mentir les photos à l'époque. Plus précisément, on essayait, car les moyens actuels manquaient. Les moyens numériques en particulier, qui permettent de bricoler n'importe quelle image pour lui faire dire, suggérer ou prouver tout ce qu'on veut. Le progrès fait rage, vous disais-je ! |
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Sextant La navigation à l'aide du GPS est généralisée aujourd'hui, au point que certains plaisanciers préfèrent posséder deux appareils plutôt que de varier les aides comme cela se pratiquait autrefois. L'utilisation du sextant, même réduite au calcul d'une méridienne est restée longtemps la méthode d'affinement des points "console" imprécis ou des points "gonio" aléatoires. Il est resté un certain temps sur la liste des appareils indispensables comme secours ultime des marins en panne de "decca", ou embarqués dans un radeau de survie. Les GPS portables, moins fragiles, plus précis, amènent à négliger l'entretien du sextant, oublier sa manipulation et les petits calculs qu'elle entraîne, voire à le laisser à terre. Pourtant, il ne consomme pas de piles, lui. |
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Messes antiques En une génération, des siècles de traditions et pratiques religieuses ont disparu de notre environnement. Je me souviens des dimanches de mon époque. De la "première messe" à laquelle j'assistais le plus souvent. A cause de la durée réduite sans doute. Mais aussi pour libérer la journée familiale. De la grand-messe aussi. Avec son côté majestueux. Hommes et femmes séparés mais en nombres quasiment égaux. Ecoliers et écolières devant, sous la chaire. L'entrée du prêtre, généralement le curé de la paroisse, se faisait en procession : bannière en tête précédant les choristes en rouge et blanc. Sur fond d'harmonium aux sons puissants et de bruits divers des retardataires affrontant les regards désapprobateurs. Chasuble et étole aux couleurs de la commémoration du jour, le curé lançait les chants en latin, prêchait en chaire avec le ton et l'autorité induite par sa situation élevée, consacrait, communiait, distribuait, bénissait et renvoyait finalement ses ouailles vers les dangers de la vie. Les-dites ouailles avaient participé, s'étaient levées, assises, agenouillées au rythme des claquements secs du claquoir du choriste principal. Elles avaient chanté un latin littéralement mal compris mais dont elles devinaient bien le sens. Le bruit des pièces dans la corbeille présentée par le paroissien de service les avait sorties un moment de leurs participations spirituelles (ou de leurs rêveries pour certaines). Et l'Ite Missa Est avait donné le signal des bruits annonciateurs de la sortie : livres qui se referment, souliers impatients de se dégourdir, raclements de gorges et finalement loquets des lourdes portes s'ouvrant sur la place. Une journée "comme il faut" commençait. |
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AOÛT 99 |
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Tampons et chevilles J'ai récemment eu besoin de placer une cheville dans un mur en parpaing (tiens ! d'où vient ce mot bizarre ?). J'ai utilisé une perceuse électro-pneumatique avec accumulateur. D'un modèle pas trop lourde pour mon grand âge ... Et j'ai repensé au temps ou j'utilisais un tamponnoir et un marteau pour confectionner ce genre de trou dans le béton ou dans la pierre. Coups de marteau et rotations du tamponnoir se succédaient pendant les très longues minutes constituant le quart d'heure ou la demi-heure nécessaire au percement. Un morceau de bois ajusté à la taille du trou servait de cheville. La méthode avait le mérite d'être sportive et écologique ... et philosophique : il était loisible de penser à autre chose pendant le travail. Ce que nos appareils rapides et dangereux ne permettent plus de faire. |
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Autres temps Pas de vacances à la mer, pas de voitures à notre disposition et pas de grandes surfaces à visiter en cas de pluie sur la plage, et donc pas d'embouteillages, de mon temps. La Lune semblait inaccessible et l'idée d'aller y vérifier la présence d'eau n'aurait bénéficié d'aucun crédit. L'argent public avait d'ailleurs moins besoin de caution médiatique pour être dépensé. Beaucoup de jeunes de chez nous travaillaient déjà anormalement pendant leurs vacances, et même sur le temps scolaire : plantations, récoltes, moissons, battages, vendanges, ... avaient besoin de tous les bras disponibles et l'école ne paraissait pas une priorité devant les urgences saisonnières. Si les vieux gamins se moquaient sans doute déjà des jeunes vieillards, c'était à mots couverts, encore teintés d'un mélange de crainte et de respect. Aurais-je fait les mêmes "billets" réticulaires, il n'y a guère ? |
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Globe au lobe La société Iridium est en faillite : elle n'a pas vendu assez de téléphones mobiles par satellite. Ils ne sont pas donnés mais permettent de téléphoner de n'importe quel point du Globe. J'ai connu le monde sans téléphone et j'apprécie ces évolutions qui font dialoguer avec le Ciel pour avoir des nouvelles de la Terre. Ces moyens nouveaux sont tellement beaux par eux-mêmes qu'ils n'ont même pas besoin d'être utiles : on devrait voir rapidement sur les périphériques de nos villes les conducteurs des voitures tout-terrain suréquipées converser avec leur gros boîtier noir, la grosse antenne caractéristique largement déployée, côté vitre de préférence. Et puis la baisse des prix attendue et l'apparition de faux téléphones devraient réserver à ce téléphone "global" le sort du mobile GSM : il y a ceux qui en ont, et il y a les autres. |
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Funambules Nous allions plus souvent au cirque, de mon temps. Au vrai, petit ou grand. Avec les cris des clowns, les odeurs des animaux, les silences autour des trapézistes ou des funambules. Ce sont d'ailleurs ces funambules (je me souviens encore de leur nom : les Karindas) qui nous ont donné envie d'installer notre propre petit câble, de bricoler nos propres monocycles, et d'apprendre à les pratiquer, avec force chutes plus ou moins douloureuses. En ce temps sans télé ni ordinateurs, nous faisions notre propre spectacle et fabriquions nos émotions. Souvenirs, souvenirs ... |
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Doux poison Scipio s'est refait une beauté cette semaine sur la cale de carénage de La Turballe. Petite couche de lasure sur les bois extérieurs, quelques raccords de gelcoat (les rides de l'âge ...), lessivage des oeuvres mortes, et un bon carénage qui devrait passer l'hiver. Les produits anti-salissures ne sont plus ce qu'ils étaient. Une application annuelle me suffisait autrefois : un bon produit, bien toxique, sur lequel la petite végétation sous marine ne pouvait pas vivre. Il m'en faut deux aujourd'hui : les produits sont moins toxiques, laissent une partie de la flore s'y développer, mais permettent quand même de les retirer plus facilement. Enfin ! L'abandon de notre bon vieil anti-fouling pour cause de lutte contre la pollution a été une bonne chose. Il faut savoir ce qu'on veut, n'est-ce pas ? |
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SEPTEMBRE 99 |
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Ecolangage Un article de la revue "Pour la Science" (eh oui ...) relève quelque termes écolinguistiquement corrects qui remplacent actuellement les bons vieux vocables de mon temps. L'effet de mode est tellement pressant que même moi, dont la ringardise est légendaire (n'exagérons rien quand même), j'hésite à parler de la nature. L'environnement, vague et passe-partout, sied mieux aux pratiquants d'internet et du téléphone portable. Quand nous parlions naguère de protection de la nature, il convient d'assurer maintenant la gestion de l'environnement. Il y aurait la Nature, trop indigente pour se débrouiller toute seule, et l'Homme-Zorro pour la protéger. De la même façon, faune et flore, trop rapides, sans ampleur ni envergure sont avantageusement remplacés par le ronflant biodiversité, et les pesticides par les produits agropharmaceutiques qui ne tuent pas, mais soignent les plantes. |
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Papier Q Le progrès fait rage dans tous les domaines. Je me souviens des rouleaux de PQ d'autrefois. Du papier lisse, un peu raide, vous voyez, de celui qui se plaint quand on le froisse. Brut de pâte à papier, garanti sans colorant. Sans pointillés prévenants contre les découpes aléatoires et inesthétiques. En rouleaux seulement ? Je ne me souviens plus de l'apparition du PQ en feuilles. Les études sur le produit ont-elles porté simultanément sur la matière et sur la forme ? Ou successivement ? Je m'interroge d'ailleurs toujours sur les avantages et les inconvénients respectifs du rouleau et des feuilles. Faut-il choisir l'obligation de l'usage unique ou opter pour la sécurité d'une grande surface. Entre l'économie du feuille à feuille ou le confort de la longueur à volonté ? Entre la facilité intellectuelle de ne pas avoir à décider de la longueur à découper et le plaisir du petit geste dévideur de rouleau ? Questions sans fondements ? Problèmes de fond, assurément. |
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Souvenirs d'école La célébration du premier centenaire de l'école Saint-Pierre à Trescalan avait lieu ce 18 septembre 99. Souvenirs, souvenirs ... Souvenir des Frères (Fr Pierre-Pascal, ...), des premiers instituteurs laïcs (Victor Mahé, Marcel et Jacqueline Poulin). Souvenir des blouses, des galoches, des cris dans la cour de récréation, des WC cyclopiques et souvent malodorants, du grand préau. Souvenir des longues tables aux pupitres inclinés, aux bancs usés, aux encriers violacés. Souvenirs, souvenirs ... Des jeux collectifs quasiment obligatoires : "balle aux chasseurs", "épervier";. Des jeux de billes aussi, et de courses de voitures dans la terre-poussière préalablement aménagée. Balayages des fins de semaine avec le balai en paille de riz et la "moke" percée distribuant ce qu'il fallait d'eau pour ne pas trop soulever la poussière. Lessivages des fins d'années avec le petit film muet comme récompense. Souvenirs ... |
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Mauvaises augures Les changements de millénaire amènent leur lot de superstitions, de crainte et de catastrophisme. Notre époque "affranchie" et "branchée" n'y échappe pas : la technique ne change pas le fond des êtres. Je me souviens des grandes frayeurs d'autrefois. Mélange de crainte religieuse, d'événements inexpliqués, d'existence rude. Le choc de la chouette contre la vitre annonçait la mort dans la maison. Le passage nocturne près des calvaires pouvait provoquer des sensations de présence. Une lumière mobile dans la nuit signalait une mort imminente. La mort, le mystère, l'inconnu ... toujours d'actualité. |
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OCTOBRE 99 |
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Marée des gapois Marée de Septembre, marée d'équinoxe. Marée des gapois aussi, de mon temps. Signe que la campagne n'était alors pas bien loin de la mer, les champs de blé jouxtant les fonds marins, les hommes pratiquant les uns et les autres, suivant les saisons. Et c'est justement à cette époque de l'année que se faisaient les battages autrefois, avec les "fieux", les fléaux qui battaient le blé à n'en plus finir, pour séparer le grain de la balle, les "gapois". Le vent des soufflets entraînait ces gapois de blé ou d'avoine, les accumulant en tas instables dans lesquels nous prenions plaisir à nous rouler. Doux, légers et insaisissables comme du duvet, les gapois faisaient notre bonheur de gamins ignorant le côté pénible de ces battages manuels. Duvets du pauvre, sans doute, car ils servaient souvent à la confection de matelas pour les tout-petits ... |
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Voyages scolaires Les écoles, collèges et lycées doivent être ouverts sur le monde : les nombreux voyages scolaires contribuent à cette ouverture, aujourd'hui. Dans de nombreux domaines : linguistique, économique, historique, artistique, scientifique ... Vers de nombreuses régions françaises : mer, montagne, ville, campagne. Et même vers des pays voisins relativement variés : Angleterre, Espagne, Allemagne, Italie, Grèce, Pologne ... Point de classes vertes, séjours linguistiques, échanges culturels ou autres voyages pédagogiques, de mon temps. J'ai dû attendre l'année du certificat d'études pour prendre le car qui m'a emmenée voir la mer ... à 10 kilomètres de l'école. Et attendre encore bien davantage pour aller voir la neige des montagnes : le cirque de Gavarnie nous semblait aussi inaccessible que le cirque Hipparque ! |
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Hier, la Terre De mon temps, mon garçon, la Terre n'hébergeait que 6 milliards d'âmes. L'eau douce naturelle était encore suffisante pour tous, même si les guerres et les égoïsmes en faisaient une mauvaise répartition. La fusion nucléaire ne savait que détruire, sa domestication étant jugée trop compliquée pour les moyens techniques de l'époque. Tu vois : il en aura fallu des années de misère pour que les bonnes décisions soient prises ! Communiquer était alors difficile, exigeait un effort que beaucoup refusaient. Cette communication était pourtant d'autant plus nécessaire que personne n'était absolument identique à une autre personne, ce qui posait d'énormes problèmes de standardisation, les revendications de chacun se trouvant rarement en symbiose avec ceux des autres. De mon temps, on disait en parlant du temps d'avant : c'était le bon temps ! Curieux, non ? |
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NOVEMBRE 99 |
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Halloween de chez nous Halloween par ci, halloween par là. Les traditions, comme les films, comme les inventions, comme beaucoup d'autres choses d'ailleurs, semblent bien plus appréciés quand ils sont "revisités" par les américains. Parce qu'halloween, c'est bien de chez nous ! Mais oui ! En moins grandiose pour la mise en scène (mise en fric ?), mais tout autant pour nos émois d'enfants. Je me souviens bien de nos jeux autour de la citrouille vidée, affublée de deux yeux, un nez, une bouche. Posée au milieu de la cour de la ferme, pas très loin du tas de fumier, quand ça n'était pas dessus. Rougeoyante à la lumière chancelante de la bougie qu'elle abritait. Elle savait capter nos regards, fasciner nos esprits, imprégner nos rondes et nos cris de sa présence un peu mystérieuse, un peu inquiétante. Des jeux d'autrefois. |
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Couissardes empieumées Taille y maille itou. On était teurjou réveillé de bonne heure. Y fallait tirer l'éow, bére un p'tit jus, passer vaille les bétes, les vaches et les chouaws, aller vaille si les couissardes availlent cor des pieumes sous l'ventre. Pis, m'ner les vaches à pét, bién éïer la beurche apré nous. Quand l'temps était béouw et qu'y mouillait pas mézé, on grimpait dans l'char à bancs, maille y taille caté maille. Fallait pas availle pour d'chaille à bas, dam ! Nam, s'y mouillait à né ou bién qu'y gueurouait trop on sortait pas ière : y faisait pus chaouw devant l'feu, peudi ? Daim, sia ! A demain vantier bin. |
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Paroissiens aux ordres Qui a connu les cérémonies religieuses de mon temps a de la peine à reconnaître les messes actuelles. Plus de latin que personne ne comprenait, de toutes façons. Plus de partage de la nef selon le sexe ou même l'âge du paroissien. Plus, non plus, de cette attitude convenue - et pas convenable pour tout le monde - qui imposait le mutisme en dehors des cantiques, le silence en dehors des changements de position "debout- à genoux- assis", le regard fixé sur l'autel, baissé, levé, aux ordres. La honte était sur le jeune surpris par Monsieur le Curé en flagrant délit de détournement de tête : le reste de la messe était suivi dans l'allée centrale, debout devant toute l'assistance. Comparées à ces messes-là, les messes d'aujourd'hui tiennent de la foire. On s'attend à ce qu'un Jésus colérique sorte son fouet pour mettre les marchands à la porte de son temple. Mais les prêtres d'aujourd'hui sont les crieurs du marché et les brebis du foirail ont oublié l'histoire de Panurge. Qui s'en plaindrait ? |
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Vieux haubans "Soleil en haubans, marin prends son caban" La météo marine de mon époque était très imagée et j'aime beaucoup cette expression qui doit dater de l'époque de la marine à voile, sur des bateaux nécessitant un haubanage beaucoup plus dense que celui de nos voiliers de plaisance. La pluie n'est pas toujours au rendez-vous prédit et les lourds nuages peuvent s'en aller déverser ailleurs l'humidité révélée par le soleil en faisceau au dessus de la mer. C'était le cas ce soir-là sur La Turballe. |
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DÉCEMBRE 99 |
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Les grous recus Une bassine en cuivre dont le fond a été enduit de boue est remplie d'eau et posée au-dessus du feu de la cheminée. Assise sur un banc installé dans la cheminée, sur le côté du foyer, la cuisinière y délaie de la farine de blé noir. Elle tourne patiemment, régulièrement le "méloué" dans la pâte de plus en plus épaisse. Un quart d'heure ? Une demi-heure ? Le brassage à deux mains ne se terminait que lorsque le mêloir restait piqué dans la bassine. Le repas était alors prêt et amené tout chaud sur la table familiale. Chacun en découpait quelques cuillerées, y ajoutait du lait ou du cidre doux de la ferme pour faire passer le côté (un peu !) compact de la préparation. Quelquefois, du beurre était finalement placé dans le trou confectionné par les différents prélèvements : chacun y plantait alors sa cuillère à tour de rôle. Si d'aventure il en restait pour le lendemain, on découpait de petits cubes dans la pâte froide aux allures devenues caoutchouteuses, les passait dans la poêle avec du beurre et les saupoudrait de sucre. Un délice de "recu" (recuit) de "grous" ! |
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Marelle numérique Promenons-nous dans les bois Pendant qu'le loup ... Les jeux de mon temps n'avaient rien de virtuel. Ils permettaient pourtant l'évasion tout autant que les jeux d'aujourd'hui. Avec des grands méchants loups que personne n'a jamais vus, des chats perchés, des furets ... Il court, il court, le furet Le furet du bois Mesdames ... L'évasion au bout des gestes simples aussi. Des gestes passe-temps comme ceux de la marelle ou du saut à la corde. Des gestes de communication comme le chat perché précurseur des chaises musicales, les rondes du mouchoir ou les grandes chaînes de l'épervier. Le jeu est dans la tête : une balle confectionnée avec des chiffons ou de la sciure dans une chaussette procurait le même effet que les balles en supercarbonate de triéthyle-benzène sans lesquelles il n'est pas de véritable plaisir de jouer, ou bien que les balles numériques qui se projettent en 3D sur l'écran de l'ordinateur tri-pentiumisé. Autres temps, mêmes têtes ... |
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Fermacopée Des pissenlits contre la tension, des limaces rouges contre les maux d'estomac, des feuilles de saule appliquées sur les cors aux pieds, de l'ail pilé sur les verrues, une feuille de chou-pomme sur les furoncles ... Les pharmacies de mon temps avaient pignon sur pré et les remèdes ne s'embarrassaient pas des excipients des formulations galéniques actuelles. Pignon sur pré ou pas trop loin : le lait chaud additionné ou non d'un peu de rhum soignait nos maux de gorge, l'huile chaude traitait les maux d'oreille, et la teinture d'iode tentait de venir à bout des rages de dent. Certains dédaignaient cette débauche de médecine et ne juraient que par le sirop de tolu, panacée supposée dont j'ai toujours ignoré la formule. Peut-être la connaissez-vous ? |
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Peaux rougies L'hiver approche avec ses grands froids et ses sols gelés. Je me souviens de ces fins de journée ou nous attendions notre père parti aux champs, au bourg ou ailleurs. Il appréciait que la soupe soit prête à son arrivée. Pas froide d'avoir trop attendu, le pain quand même imprégné du liquide odorant. A point. Et nous guettions donc les premiers bruits de la charrette sur les cailloux (pas les kâilloux ! ;o) du chemin pour ajuster la marmite au feu de la cheminée. Je nous revois encore, les oreilles collées au sol gelé pour mieux entendre le choc des fers du cheval ou bien le long roulement du cerclage des roues. Comme des indiens que nous étions. |
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Noëls magiques Dans Bethléem à minuit, Jésus naît dans l'étable, Tous ensemble allons vers lui. Les nuits de Noël de mon temps étaient beaucoup moins enguirlandées, vous pensez bien. Ni dans les rues, ni même dans l'église. La fête n'était pas dans l'environnement. Elle était dans l'événement lui-même, l'avènement intensément commémoré, quasiment vécu par la presque totalité des gens de ma campagne. Je me souviens de la messe de minuit (une vraie, à minuit), de l'église pleine à craquer, des cantiques repris à pleins poumons, de la crèche, de l'encens, de toute une ambiance extra-ordinaire, magique pour nos sens d'enfants. Messe de minuit magistrale, finalement interminable pour les jeunes paroissiens vaincus par le sommeil : les deux messes basses suivantes n'étaient pas pour nous. Au bout du chemin du retour nous attendaient la pomme d'orange dans nos sabots (des vrais !), quelques sucres d'orge, un bol de lait bien chaud, et la chaleur du lit pour y poursuivre le rêve. |
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