lundi 5 janvier 2009
Vies d’avant
Vivre
plusieurs vies professionnelles est une chance pour des tas de raisons
dont l’une est de donner la possibilité de comparer et donc de
relativiser.
Exemple.
J’ai connu les
angoisses récurrentes liées à la condition de petit
artisan-commerçant : l’argent à trouver pour les règlements de fin
de mois, les plannings de travaux à respecter au risque de pénalités
financières, les impayés des clients négligents, indélicats ou même
voleurs. Pourtant, sitôt mon débarquement du navire marchand, mon
esprit, même dans ses reconstructions nocturnes débridées s’est
immédiatement affranchi des moments quelque peu cauchemardesques vécus
pendant cette période.
Et puis j’ai
connu les plaisirs non moins récurrents de l’enseignement : le
contact quotidien avec les jeunes, l’impression de réaliser une œuvre
intelligente et utile, les vacances régénératrices, refondatrices et
souvent laborieuses (eh oui, un plaisir ...). Pourtant, plus d’un an
après avoir embrassé ma nouvelle condition de retraité, il m’arrive de
me réveiller avec le soulagement de quitter un cauchemar.
Cauchemar par
exemple de la rentrée des classes pendant lequel je parcours
indéfiniment un vieil établissement que je ne reconnais pas, à la
recherche d’élèves introuvables, courant de salle bizarre en salle
étrange, visitant des labos improbables, rencontrant des élèves hilares,
des collègues taciturnes, et finissant par faire cours dans une cour
sans tableau devant quelques jeunes trouvés là par hasard. Sueurs ...
Cauchemar de la
fin de trimestre que je n’ai pas vu arriver, n’ayant pas donné de
devoirs à mes élèves, ou pas corrigé le devoir dormant sur mon bureau,
n’ayant donc pas de notes, pas d’évaluation, aucune appréciation à
fournir au conseil de classe, à écrire sur le bulletin trimestriel. La
honte ! Fuyons, cachons-nous dans la vie réveillée ...
Et bien sûr
beaucoup d’autres variantes souvent liées à l’impréparation supposée des
cours, des manips, des situations habituellement rencontrées par un
prof.
Un gros travail
de psy serait sans doute nécessaire pour expliquer la différence de
traitement accordé à mes souvenirs par mes neurones dès que libérés des
rênes de ma conscience. Mais qu’on se rassure (*), j’émerge de 99,99% de
mes nuits sans aucun souvenir des rêves ou cauchemars que j’y aurais
vécus.
(*) Si, si, je vous sens inquiets ...
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