16 février - La machine humaine

   On raconte que Ford - Henry et non pas John, le constructeur et non l'illusioniste - tenait à s'assurer qu'aucune des pièces d'un véhicule automobile ne saurait survivre au dit véhicule. Si des pièces provenant d'une voiture mise au rebut pour cause de harassement routier se révélaient recyclables sur un autre véhicule, c'est qu'elles étaient surdimensionnées et pouvaient donc être confectionnées à un coût moindre.

   Peut-être devrait-il en être de même pour la machine humaine ?

   Passée une période de rodage qui peut varier de 14 à 30 ans selon les individus, chacun sait que cette machine humaine s'use, se dégrade et file inexorablement vers la casse du cimetière ou du crématorium, avec bien souvent des longévités différentes d'un organe à l'autre. Mais à quoi sert un coeur continuant de battre vaillamment alors que l'arthrose interdit à l'organisme de profiter de l'énergie qu'il est encore capable de lui distribuer ? Quel est l'intérêt de posséder un squelette en bon état de fonctionnement quand des neurones évanescents ou désarticulés sont incapables de le commander ? L'idéal ne serait-il pas que l'ensemble se dissolve d'un même pas dans la nature dont il est sorti ?

   Mais la Science annonce qu'elle pourra bientôt réparer, voire remettre à neuf n'importe quel organe ou partie du corps, de l'os à la moëlle, de la peau au cerveau. Un scientifique sans doute un peu provocateur vient même d'annoncer que certains bébés actuels pourraient vivre mille ans, survivant convenablement d'une réparation à l'autre, les avancées médicales s'enchaînant comme des poupées russes pour atteindre l'enveloppe du millénaire. Les bébés éventuellement concernés devraient alors posséder dès l'origine le plus possible d'organes à longue durée de vie et l'obsolescence généralisée serait donc une incongruité.

   D'autres constructeurs que Ford ont créé des voitures réputées "increvables" dont on pouvait quasiment indéfiniment remplacer les pièces devenues défectueuses, les seules limites étant la voracité et la pollution de ces machines devenues vieilles ainsi que le coût des opérations de survie. Peut-être en sera-t-il de même pour les machines humaines poussées dans une longue durée réservée aux bébés nés avec une cuillère d'argent dans la bouche et réalisée au détriment de l'ensemble du parc humain ? Wait and w'll see ...