lundi 9 novembre 2009
Empreintes volées
Je me souviens vaguement d’un chercheur qui
était convaincu de pouvoir lire les sons enregistrés dans la pierre des
cavernes au temps où les hommes préhistoriques y parlaient (ou
borborygmaient). Je doute qu’il ait pu dépasser le stade de la
conviction, même si je suis persuadé moi-même que certaines vibrations
de l’époque ont pu déformer durablement certaines structures lithiques.
Demain n’est pas la veille du jour où sera inventé l’appareil capable de
dégager ces éventuelles pico-déformations du peta-bruit de fond
général.
L’homme préhistorique a laissé finalement bien peu de
traces en comparaison de ses successeurs qui ont construit de plus en
plus d’outils, édifié toujours plus de bâtiments, modifié de plus en
plus profondément leur environnement. Et puis, ils ont écrit leurs
pensées, enregistré leurs voix, gravé leurs images ... jusqu’à l’époque
fabuleuse que nous avons le privilège de vivre, nantis des meilleurs
outils de création.
Privilégiés ? Malheureusement, bien peu des traces que nous
laissons sont celles que nous voulons laisser et certains adeptes du "pour vivre heureux, vivons cachés"
regrettent le temps où les murs n’avaient pas d’oreilles. La
technologie actuelle fait que tout ce que nous faisons est traçable en
exploitant la bonne vieille empreinte de nos souliers, celle de nos
doigts, celle de nos gènes que nous déposons à tire-larigot un peu
partout. En exploitant aussi les enregistrements des multiples webcam et
caméras, les journaux des ordinateurs que nous utilisons, des
ordinateurs que nous visitons, des centraux des opérateurs de téléphonie
mobile, des centres commerciaux, des banques, ... Il nous est bien
impossible de vivre gantés, masqués, anonymisés ; impossible
d’effacer tous les historiques informatiques, cookies réticulaires,
formulaires automatiques, ...
Estimons-nous pourtant heureux de ne pas laisser de
traces de ce que nous pensons, ce qui pourrait bien arriver à nos
successeurs, lorsque la technologie pourra capter les ondes infimes mais
bien réelles émises par un cerveau. Lorsque la dite technologie
permettra d’écouter les enregistrements des pierres des cavernes,
peut-être ?
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