lundi 12 juillet 2010
Grise mine
Je le savais bien que ça serait difficile, que
l’affaire serait délicate, pleine de pièges, que je devrais m’armer de
patience, de rigueur et d’aquabonisme. Comme tous ceux qui veulent
acheter auprès des services compétents de l’administration française une
carte grise pour leur nouvelle auto [1].
L’épreuve, car il s’agit bien d’une épreuve
vraisemblablement imaginée pour vérifier la qualité de la citoyenneté
obéissante et soumise du demandeur, apparaît si pénible qu’on comprend
qu’elle en devienne sélective, nombre de véhicules circulant sans carte
grise entre les mains de conducteurs eux-même dépourvus de permis de
conduire. Trop difficile parcours de combattant ! Va falloir suivre
l’exemple de l’éducation nationale et baisser le niveau pour rester
dans les clous ...
Quelles difficultés est-il envisageable de
supprimer ? Quels angles est-il imaginable d’adoucir ? La
réflexion entre dans la problématique comme la main dans un sac de
noeuds et nécessitera sans doute la création de commissions ad hoc.
les demandeurs pourraient ne pas attendre une ou deux heures debout
mais alors il faudrait installer des chaises à
l’extérieur devant la porte d’entrée, ce qui signifierait investissement
en matériel et en personnel de maintenance.
les demandeurs pourraient ne pas attendre une ou deux heures dehors
mais alors, il faudrait aménager une salle pour
cinquante personnes, dans des locaux déjà exigus et pour des sommes
susceptibles d’absorber le produit des cartes grises.
le service des cartes grises pourrait proposer 35 heures de vrai service hebdomadaire au lieu des
oui mais il faudrait embaucher alors que le leitmotiv
gouvernemental du moment est de ne pas remplacer un fonctionnaire sur
deux.
les employés du service pourraient travailler plus vite et mieux - si, si, c’est possible, je l’ai vu.
oui mais ils ne pourraient plus justifier leurs demandes
de maintien de postes, voire de créations nouvelles, l’état de grève du
zèle permanente, comme toute grève, ayant pour but de travailler moins
pour tenter de gagner plus
...
Ceci dit, je l’ai eue ma belle carte grise, et comme
tout diplôme arraché de haute lutte, j’en suis fier ! J’ai lu,
relu, renseigné, complété, vérifié, agrafé. Je me suis déplacé, j’ai
déposé, j’en suis revenu. J’ai attendu, attendu, attendu et encore
attendu. Je me suis inquiété, me suis déplacé à nouveau, me suis rendu, à
bout ... J’ai patienté, écouté, patienté encore. J’ai payé, soulagé,
et, revenu, attendu. Et puis, et puis, après quarante-cinq jours de
grise mine, le moral m’est revenu en même temps que l’enveloppe déposée
par le facteur. Ouf ! Je suis reçu !
Notes[1]
En pré-supposant abusivement que l’ensemble des préfectures et
sous-préfectures fonctionne à l’image de la sous-préfecture de
Saint-Nazaire, Loire-Inférieure
|