lundi 1er mars 2010
Le petit nom des choses
Nommer, c’est s’approprier, dit-on.
Mettre un nom sur quelque chose serait donc comme se le mettre dans la poche ...
Vous croyez à ça vous ?
Personnellement, j’ai jamais compris.
Faudrait qu’on m’explique.
Nommer ne serait-il pas plutôt ouvrir le champ des possibles ? Cette chose bizarre est un alambic. Ah ? Et que permet-il de faire ? Extraire des alcools ? des parfums ? Lesquels ? Comment ?
Loin de l’enfermement propriétaire, nommer ne
reviendrait-il pas plutôt à entrebâiller les volets de la conscience sur
un monde jusque-là ignoré ? Je te présente Paul. Bonjour Paul, comment allez-vous ? d’où ? vers où ?
Mais finalement, nommer n’apporte rien à la chose
nommée, objet, idée ou personne. Il est possible de régler les voiles
sur un bateau à l’aide des cordes qui y sont fixées en ignorant qu’il
s’agit des drisses, des écoutes, des bosses ou des chutes. Il est
possible de construire un projet de travail ou de loisir avec une
personne en ignorant qu’il s’agit de Norbert de la Motte. Il est
possible de réfléchir à la nécessité de ne pas remettre à demain ce
qu’on peut faire le jour même tout en ignorant qu’on aborde alors le
douloureux problème de la procrastination. Nommer n’est nécessaire qu’à
la communication. Communication avec les autres certainement,
l’efficacité d’un groupe augmentant avec la précision du vocabulaire
utilisé par ses membres. Communication avec sa propre mémoire
vraisemblablement, le retour sur expérience jaillissant sans doute plus
aisément des tiroirs cérébraux bien étiquetés.
Je ne sais pas vous, mais je suis personnellement bien
incapable de nommer les oiseaux, les poissons, les étoiles et bien
d’autres choses rencontrées quotidiennement par quiconque circule sans
se soucier d’autre chose que du plaisir de l’observation. Je ne sais
pourquoi ... Un aquoibonisme de mauvais aloi me suggérant peut-être
justement que "nommer, c’est s’approprier" et que "la propriété, c’est
le vol" ... ou bien que nommer n’ajoute rien à la magie de la nature et
qu’il suffit d’apprécier les sensations qu’elle nous offre. Mes besoins
en communication dans ces domaines sont sans doute trop faibles et les
tiroirs de ma mémoire trop petits ...
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