mamimadi l'humeur hebdomadaire |
27 juillet- Sous contrôle Pour la première fois cette année, un poste de secours trône sur les hauteurs de "ma" plage. Trop de morts par noyade qu'ils disent ... Il faut encadrer les insouciants, astreindre les audacieux, contraindre les téméraires ! Les coups de sifflets pleuvent sur la troupe immergée comme les aboiements pour rassembler le troupeau dans les zones saines, hors du loup, à la vue du berger. Le berger est là, debout, avec ses belles lunettes noires et ses palmes sous le bras, prêt à bondir au secours de la brebis trop jeune, trop vieille, trop inconsciente, ou trop fatiguée pour un océan toujours trop plein de dangers scélérats. C'est la traque des "trop" ... Et puis, lorsque la bave des loups assaillants s'écrase trop violemment sur le sable, le berger hisse le drapeau rouge de fin de partie. Les têtes rentrent au bercail ou doivent y rester les jours où la transhumance n'a pas commencé. Finis les plongeons dans la grosse vague qui s'enroule sur elle-même avant de s'écraser sur les plongeurs, remplissant d'eau les narines et de sable les maillots. Trop dangereux. Terminés les petits frissons du "t'es pas cap' d'aller jusqu'à la bouée", histoire de pousser un peu les moteurs, de s'écarter un peu de la masse gesticulante et criarde. Trop dangereux. Trop dangereux et nous ne le savions pas. Voici plus de soixante ans (hélas !), qu'avant même de savoir nager, nous plongions dans ces grandes vagues qui font si peur aujourd'hui, nous nous amusions de résister à la bousculade vers la plage lorsqu'elles arrivaient, puis à l'entraînement vers le large lorsqu'elles se retiraient. Une vague plus forte que les autres nous submergeait-elle que nous en ressortions les yeux rougis, les cheveux pleins de sable, fiers d'en être sortis et déjà impatients d'affronter la suivante. Trop dangereux et nous n'en avons jamais rien su parce qu'aucun accident - sauf erreur, faudrait pas paraître prétentieux - ne s'est jamais produit sur cette plage. Et même si elle avait pu connaître quelque drame, une telle mise sous contrôle infantilisante et déresponsabilisante n'irait pas dans le sens de sa sécurisation. Les moutons du bord de mer ne se seront pas hissé d'un poil à la hauteur d'une mer moutonneuse quand le berger palmé aura pris ses congés à la fin de l'été ... PS : "Ma" plage est la plage des Bretons, à La Turballe. On l'appelle aussi la plage des brebis parce que la roche des brebis la borde du côté du port. La roche des brebis, pas des moutons ... |