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8 juin - Compétences C'est une longue et étroite rue qui pénètre dans le faubourg de la cité médiévale. À sens unique, elle est jalonnée de ralentisseurs genre coussins berlinois relativement bruyants et dont le franchissement ne peut se faire qu'à vitesse réduite. Cette vitesse est évidemment règlementairement réduite par des panneaux bien visibles à 30 km/h. Bien. Tout est normal. L'autre jour pourtant les automobilistes ont eu la surprise de voir des panneaux supplémentaires, écrits à la main et demandant le respect de cette limitation de vitesse. Au niveau de chaque ralentisseur ils ont dû affronter le jugement de personnes dont on peut imaginer qu'elles sont des riverains soucieux de leur sécurité. Gestes de la main, mouvements des bras, regards suspicieux... Moins bien. C'est anormal. On peut certes admettre que, d'une façon générale, la règle des 30 km/h est rarement rigoureusement respectée, les vitesses s'échelonnant le plus souvent entre 35 et 55 km/h selon le profil de la voie. À vue de nez d'un utilisateur régulier de celle-ci, la vitesse moyenne pratiquée serait plutôt inférieure à 40 km/h, ce qui constitue bien une infraction, même légère et sans doute également commise par les riverains protestataires eux-mêmes, ici et ailleurs d'ailleurs. Certes on peut convenir que des vitesses supérieures à 50 km/h dans cette rue présentent des risques croissant rapidement avec l'importance de l'excès, accroissant l'inconfort et l'inquiétude des riverains. Inconfort lié au bruit plus important ainsi qu'à la plus grande difficulté de manoeuvre de stationnement ou de sortie de leurs propriétés. Inquiétude quant à la sécurité de leurs déplacements pédestres ou vélocipédiques. Certes. Mais pour autant cela leur donne-t-il le droit de jouer à "faire la police" dans leur rue ? Puis, entrant plus avant dans le jeu, de faire la police en imposant le respect de la limitation de vitesse via le recours d'affiches menaçantes ou d'obstacles physiques ? Des groupes aux allures de milice "populaire" pourraient sévir ici ou là... Si on peut comprendre que des comportements exacerbants provoquent parfois des réactions épidermiques effectivement exacerbées, il semble malsain que tout un chacun se place au-dessus de la mêlée, dans le rôle d'arbitre sanctionneur pour lequel il n'a reçu ni formation ni délégation. Plus généralement, l'époque est à l'omnivalence de tous et c'est une partie de son problème. On juge et condamne à tire-larigot, on usurpe en trompe-l'œil les compétences des gens compétents, les médecins, les scientifiques, les politiques, les économistes, les syndicalistes, les journalistes, les forces de l'ordre,... Pourtant, la compétence du citoyen serait plutôt de s'assurer de celle des spécialistes et des professionnels. Pas de s'y substituer, même lorsqu'il constate, comme c'est malheureusement trop souvent le cas, que le résultat ne répond pas à ses attentes. Le réseau de compétences mis en place dans notre démocratie devrait permettre l'amélioration de l'une par l'autre, à charge pour le citoyen d'en améliorer démocratiquement le fonctionnement s'il pense que ce n'est ponctuellement pas le cas. Oui ? |