mamimadi l'humeur hebdomadaire |
23 décembre - Lacrima qui strie L'homme est un animal qui pleure ou peut le faire. C'est le seul. Cet animal-là n'est donc pas une bête Les pleurs des femmes sont bien connus, très médiatisés, parfois moqués, quelquefois revendiqués. Seraient-elles moins bêtes que les hommes dont on peut se demander s'ils pleurent jamais. Se cachent-ils pour pleurer ? Pourquoi n'en voit-on jamais, ni dans la vraie vie ni au cinéma ou dans les feuilletons pourtant bien faits pour faire monter les larmes dans les chaumières ? Il serait étonnant qu'en certaines circonstances la part féminine qu'on dit être en l'homme ne lui serrent pas les tripes jusqu'à l'expulsion incontrôlable de larmes révélatrices des ébranlements du fond de l'être. Étouffer cette part ou tenter de le faire est-il une preuve de virilité ? L'augmente-t-elle ? Quel serait l'intérêt de cette démonstration ou de cet accroissement ? Darwin, Freud, help me ! Les reportages télévisés d'obsèques de célébrités montrent d'autres célébrités masculines portant des lunettes cachant des yeux supposément rougis par le chagrin. Paradoxal, non ? On ne veut pas montrer qu'on a pleuré mais on veut le faire savoir ou même le faire croire quand, vraisemblablement, ce deuil-là n'a arraché aucune larme à cette célébrité-là. S'il y a inconvenance à les mettre en scène ou seulement les exposer, quel déshonneur y aurait-il à ne pas les cacher lorsque les pleurs sont l'expression naturelle de la grande tristesse, voire du désarroi ? Tout juste pourrait-on penser qu'ils ne sont que la manifestation d'un égoïsme obligé : on ne pleure que sur soi, forcément, sur ses malheurs bien sûr et sur le malheur venu de la participation au malheur des autres. Ce sont bien ses tripes à soi qui font pleurer. Certaines personnes, même du sexe réputé faible, ne pleurent jamais. Seraient-elles plus bêtes ? Moins égoïstes ou égo-centrées ? Pas conformes à l'évolution darwinienne ou aux thèses freudiennes ? Bref : sont-elles normales, docteur ? D'autres personnes du sexe réputé fort disent se sentir plus souvent assallis par les émotions larmoyantes, le grand âge s'installant. Doivent-elles considérer cette évolution comme l'amélioration du bon vin ou plutôt comme une dégradation mentale ? Docteur, dites-nous : normales ou anormales ? Salutaires ou nuisibles ? Mystères de l'âme ou énigmes pour l'esprit ? Stries cruelles ou sillons féconds ? |