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l'humeur hebdomadaire

24 juin - London, the feedback

Londres

      Voilà, c'est fait. La Terra Incognita l'est un peu moins, inconnue. Quelques pas dans Londres, quelques miles à bord de ses bus et de son métro m'en ont donné une petite idée plus conforme à la réalité perceptible que ce que j'en avais construit à partir des images rapportées ici ou là, dans les médias et les propos des uns qui s'y sont promenés ou des autres qui y ont vécu.

      Commencer par le début est une facilité mais aussi une évidence : dès le passage de la douane anglaise au départ de l'Eurostar de la gare du Nord, la différence d'ambiance est perceptible. Si le mot "stress" est d'origine anglaise (en deuxième main, après le latin), le sentiment associé semble ignoré ici. Ici on prend son temps. Ici les petites mains sont nombreuses, costumées ou badgées comme il convient pour faire valoir l'autorité représentée ou le service proposé. Ici il faut savoir attendre...

      La deuxième marque du trip dans l'Albion réputée perfide est le parcours du long boyau noir qui franchit le Channel si mouvant et les falaises crayeuses de Douvres. De quoi comprendre la frustration des taupes se déplaçant sous le monde des couleurs et des vies... Avant sa plongée dans le noir, le voyageur pas trop myope ne peut pas ne pas apprécier l'ampleur des protections grillagées et parfois barbelées censées décourager l'approche de l'entrée calaisienne par les méchants envahisseurs d'îles britanniques ; la France protège soigneusement les Anglais...

Londres      Le débarquement à la gare londonienne de Saint-Pancras est magique. Dépaysement assuré dans un cadre de brique, d'acier et de verre, dans l'indifférence des immenses amoureux statufiés (photo) dont l'immobilisme terne et silencieux contraste avec l'agitation générale bruyante et colorée. Belle entrée dans un monde où les rues sont empruntées à gauche, les escalators obligatoirement à droite, les voies de bus acrobatiquement n'importe où le bus peut passer et le métro pas forcément sur la voie où on l'attend.

      La suite ? Tellement de choses...

Londres      L'ambiance du pub ce samedi soir, chaude et volubile, sans doute enflammée par l'alcool des excellentes (mais onéreuses, on n'a rien sans rien) bières tirées et retirées au comptoir sans ticket de caisse. les mini-gratte-ciel aux noms descriptifs : le rasoir, le concombre, l'aiguille (photo), le walkie-talkie (appareil ressemblant fortement au talkie-walkie frenchie), les innombrables bus rouges à impériale, les taxis noirs toujours lookés à l'ancienne mais souvent motorisés écolo, les rames de métro, rouges aussi, souvent d'ancienne facture, hyper bruyantes et d'utilisation pas trop simple pour le touriste fraîchement débarqué. Pour les autres non plus semble-t-il puisque pour aller d'un point A à un point B de la capitale le trajet et les correspondances, bus et métro réunis, varient selon le jour de la semaine, le moment de la journée, les travaux sur les lignes et les fréquentes pannes et retards associés. Une appli sur smartphone est quasi indispensable pour connaître les possibilités du réseau à un instant donné...

Londres      Londres est immense et les quartiers résidentiels sont très éloignés des centres d'affaire. L'éloignement augmentant, la taille des constructions diminue, leur espacement augmente, la végétation s'accroît. Évidemment. Ce qui reste constant, c'est l'absence de garage, les voitures stationnant à l'extérieur, sur des parkings privés ou plus souvent dans les rues déjà étroites. C'est la présence quasi généralisée dans les petites cours d'un couple d'énormes poubelles disgrâcieuses. C'est la juxtaposition d'ensembles récents relativement proprets et de constructions anciennes en manque de rénovation ou même simplement d'entretien. Beaucoup de bow-windows (classiques fenêtres à trois pans) décrépites ont perdu de leur charme, des murets de briques sont en voie d'écroulement, d'abominables palissades en petites planches de mauvais bois verdissent et pourrissent tranquillement dans l'humidité londonienne, les grandes herbes ont colonisé ici et là l'espace entre les poubelles et la façade de brique. Peut-être un souci écologique que ce non-traitement des "mauvaises" herbes ? La tondeuse ignore par ailleurs de nombreuses zones dans les parcs publics et maintes allées piétonnes sont encadrées de grandes herbes apparemment acceptées sinon désirées.

      Et les gens dans tout ça ?

Londres      Ils sont 1) évidemment multiples et divers, 2) sans doute gentils et serviables, 3) apparemment calmes et cools, 4) raisonnablement bosseurs et zélés, 5) éventuellement roublards et fraudeurs... Comme partout peut-être ? 1) Comme nulle part ailleurs sans doute se côtoient les visages blancs de souche, les profils voilés, les crânes enturbannés, les peaux blanches, roses, rouges, mates, noires, très noires. 2) On a pu voir un jeune proposer sa place à un beaucoup moins jeune que lui dans le métro bondé, geste qui n'est pas si courant ailleurs et qu'il faut même parfois "arracher". 3) Six ou sept mille spectateurs venus voir les grands du tennis au tournoi du Queen's ont attendu une journée entière et donc vainement, majoritairement dans la bonne humeur, que la pluie veuille bien cesser. 4) On peut à la fois trouver à Londres des petits magasins "dépanneurs" ouverts jusqu'à plus d'heure et des groupes de neuf six-year-old sanglés encadrés par trois adultes. 5) Un restaurateur indien a présenté à ses clients une note rédigée à la main comportant un supplément de dix pourcents sur les prix du menu, informant oralement qu'il faisait cadeau de ce supplément inattendu pour un paiement en espèces. Comme partout, donc ? Sans doute pas comme partout. D'abord, fondamentalement, parce que nulle part n'est comme partout. Et puis, plus particulièrement ici, parce qu'un île, même grande, même reliée au continent par un boyau sous la mer, reste un territoire à part dont les habitants se comportent comme des gens qui ont le sentiment d'être à part et que les visiteurs perçoivent a priori comme étant à part. C.Q.F.D.

Lutin