Chacun peut se rappeler avoir vécu des moments de découverte ou de redécouverte de sensations ignorées ou oubliées. Un voisin rencontré quotidiennement et sur lequel on ouvre un œil nouveau, une émotion remontée de l'adolescence et supposée perdue, la madeleine de Proust rapportée à l'œuf de la ferme de son jeune temps ou la tomate rougie dans son propre potager,... Mais aussi la possibilité de rencontres improbables, de tendresses jamais imaginées, d'étonnements surprenants (il en est de tellement ordinaires), de mondes nouveaux propices pour le moins au saisissement, pour le mieux à l'éblouissement, à la bonne surprise dans tous les cas.
Ces moments de vie sont sans doute trop rares tant les facilités de l'habitude sont piégeuses et cadenassent les esprits. La découverte de nouveaux petits plaisirs inconnus ou de grands bonheurs différents est occultée et la redécouverte des anciens passe à la trappe de l'oubli des histoires personnelles. Pourquoi aller frapper à la porte du voisin quand le cercle des amis ronronne déjà si bien ? Pourquoi glaner le pissenlit à travers la campagne quand des salades toutes prêtes attendent de l'autre côté de la rue ? Et, finalement, pourquoi chercher ailleurs puisque même la médiocrité se pare, au bout de l'habitude, des atours des choses confortables ?
Un célèbre bouillonneur de culture octogénaire répondait récemment à tous ces "pourquoi" en exposant ses idées pour bien vieillir et donc bien vivre encore et encore : rester curieux et gourmand de tout, mixer le meilleur du passé au meilleur du présent et ajouter toujours, augmenter son espace de nouveautés, nouvelles idées, nouvelles pratiques, nouvelles relations.
Mais cela demande un effort, celui de lever le nez du bout de ses souliers, passer le regard par dessus les enclos personnels, dépoussiérer constamment les neurones qui vont bien, ceux qui sont chargés d'apporter le sel dans la vie. Oui ?