Est-il imaginable qu'une amitié véritable se brise comme ça, là, pour toujours, à jamais ?
Certes, les fâcheries sont possibles, sur le coup de quelque énervement, à la suite d'une incompréhension quelconque. Mais un ami fâché reste une personne sur laquelle on peut compter et le bleu du ciel commun revient lorsque les ennuis assaillent l'un ou l'autre.
Une rupture bête et brutale - ainsi chantait le grand Jacques - ne peut que révéler la mauvaise tenue du lien ou de l'un des deux nœuds. Mauvais matériau, diamètre insuffisant ou bien attache mal fagotée d'un côté ou de l'autre ou des deux à la fois.
Et alors quoi ? Alors, osons illico deux scénarii sans imbroglio :
La rupture définitive d'une fibre de mauvaise qualité empêchera son entretien et risque fort de conduire à sa dissolution complète sous les effets du temps. Les UV de l'actualité et les moisissures accumulées détrament si vite les cordages abandonnés... Adieu l'ami !
Il est fort rare que deux attaches se dénouent en même temps et l'une d'elles restera forcément à poste après l'abandon de l'autre. Le lien de l'amitié perdurera unilatéralement, asymétrique, dénoué au-dessus d'un vide possiblement réanimable... À Dieu l'ami ?
Le grand poète romain Publilius Syrus a tranché depuis longtemps dans le vif de la problématique soulevée dans cette petite humeur : "Amitié qui finit n'avait point commencé". Point de lien à rompre, point de nœud à dénouer, si rupture il y a c'est qu'il n'y avait rien à larguer.