Plus tristes que les messes d'enterrement de naguère, il y a la majorité des cérémonies d'obsèques d'aujourd'hui. À la masse des fidèles réligieusement réunis autour du défunt s'est substituée une assistance réunie dans l'église par la seule dernière volonté du cher disparu, associée peut-être à un reste de tradition.
Monsieur le curé n'officiant que pour les disparitions notables, des laïcs délégués s'efforcent d'animer les esprits et - si possible - les âmes de brebis égarées depuis plus ou moins longtemps loin des nefs ecclésiales. Des femmes plus souvent que des hommes, par paire quelquefois, sans doute pour s'assister mutuellement dans une mission devenue ingrate et épauler leur foi malgré l'incrédulité installée sous leurs yeux.
Dressées devant le micro non loin du cercueil, elles entonnent les chants de circonstance enchaînant couplets et refrains devant un parterre mutique. Elles lisent les textes sacrés face à des nez piqués dans le dos du rang précédent et des regards perdus dans la contemplation des vitraux ou de la statue du saint local. Elles récitent seules "Notre Père" et "Je vous salue Marie", effectuent seules les signes de croix, grands et petits, conclus par des "Amen" solitaires. L'assistance assiste, semblant leur avoir donné tout pouvoir pour les représenter dans ces moments quelque peu ésotériques.
Triste... En même temps que la foi, il semble que la vie autour de la mort se soit retirée des églises. Peut-être les crématoriums en ont-ils pris le relais, permettant bien davantage qu'elles la libération spontanée des émotions et les déclarations souhaitées des sympathies avec le disparu. Le religieux s'est réfugié dans les bâtiments publics et les pratiques laïques. Les homélies résurrectionnelles des curés sont remplacées pas les discours lénifiants des maîtres de cérémonie. Les funérariums se parent de clochers à l'instar des églises et si les croix manquent sur un nombre croissant de tombes, celles-ci perdurent comme volonté de témoignage du lien avec les morts, à côté d'un nombre également croissant d'emplacements en columbarium, cave-urne ou autre jardin du souvenir flanqué de plaques commémoratives. Seule la dispersion anonyme des cendres va jusqu'au bout de l'effacement public de l'existence du disparu, peut-être pour mieux nouer les souvenirs de ceux qui se méfient du décorum et gardent leurs morts à l'intérieur de leurs vies.
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Crématorium de Nevers