Le dessin le plus réussi d'une rose ne représentera jamais qu'une rose. Huile, pastel ou aquarelle, il restera une "nature morte" (Wikipédia) pour ceux qui la regarderont, la contempleront ou même l'admireront. Peut-être même pour son auteur s'il a réalisé une œuvre sans y mettre de sa vie. Certains artistes préfèrent d'ailleurs appeler "vies silencieuses" leurs natures mortes mais le silence de ces vies couchées sur la toile reste sans doute un silence de mort pour beaucoup d'amateurs.
En croisant cette rose suspendue à l'un des murs de mon salon, je pourrais imaginer qu'elle me souhaite le bonjour à mon lever ou bien une bonne nuit lorsque je la quitte le soir. Mais elle aura toujours le même sourire, le même rouge à lèvre, le même entrebâillement des pétales, la même posture sur sa tige, fière ou compatissante, ou les deux à la fois. Il se pourrait qu'au fil des jours un bâillement d'ennui soit ma réponse, matin et soir.
Et je me demande...
La rose du tableau pourrait-elle ne pas être ainsi définitivement figée ? Comment serait-il possible d'y réintroduire la vie afin qu'elle paraisse différente chaque jour, à chaque moment de la journée, à chaque regard déposé sur elle ? Si la réponse dépend vraisemblablement du ressenti de chacun, il semble évident que l'élargissement des horizons d'un tableau permet l'évasion des imaginations vers des imaginaires infinis, perpétuellement renouvelables. Le réel revisité par la pensée de l'artiste et revisitable par celles des scrutateurs, une certaine réalité tout juste suggérée par des formes et des couleurs, beaucoup de peintures figuratives voire abstraites le proposent, ainsi porteuses potentielles de vies communicantes.