Les voyages forment la jeunesse, dit-on. La vieillesse peut aussi en faire un outil pour contrer l'usure du temps et l'inadaptation des regards sur un monde trop fuyant.
Le voyageur actuel doit pourtant faire avec le sentiment de participer peu ou prou au dérèglement climatique. Bien peu s'il se voit comme la mauvaise graine noyée dans les 7,8 giga-graines globales, mais bien prou (*) et même davantage si la graine doit faire brûler 50000 litres de carburant par l'avion qui va le transporter.
Il peut alors être tenté de renoncer au transport physique. Le distanciel vient de prendre un essor inédit avec la covid-19 actuelle et les voyages virtuels permettent à l'amateur de formations, informations ou simples découvertes de rester assis devant un écran qu'il choisira grand et de bonne qualité pour y faire défiler - par exemple - les images de Google Earth au dessus du Kilimanjaro ou circuler son petit bonhomme tout jaune dans les rues de Calcutta.
Ce faisant, il lui faudra quand même oublier que faire venir chez soi le monde virtuel n'est pas sans laisser sa petite empreinte écologique. Ordinateur, écran, serveurs ont puisé dans les ressources terrestres et généré quelque pollution pour leur fabrication, consomment de l'énergie et contribuent au réchauffement climatique pour leur fonctionnement. L'empreinte est celle d'une graine qui se veut bonne, mais que devient l'empreinte de 7,8 méga-graines ?
Alors quoi ? Alors, à pollueur, pollueur à demi (**). Dans ce domaine de la formation des jeunes et de l'entretien des vieux, le raisonnable semble devoir être de mise. Aucune réalité virtuelle ne rendra jamais compte du parfum d'un pays, d'une région ou d'une ville, ni de la complexité de ses paysages, de ses infra et superstructures ou des arcanes de ses us et coutumes, ni du bruissement de ses rues, du sourire de ses habitants ou de l'odeur de ses campagnes... Sauf à disposer de beaucoup de temps et de l'énergie de la jeunesse, aucun voyage un peu lointain ne restera sans impact écologique. Tenter d'échapper à la compromission dans l'un et l'autre cas passe donc par le compromis.
(*) "Beaucoup, assez", selon le jeune Larousse en ligne
(**) "À menteur, menteur et demi", oeuf corse !