Gaston Ouvrard chantait dans les années 30, d'un air rigolard :
Ah ! mon Dieu ! qu'c'est embêtant
D'être toujours patraque,
Ah ! mon Dieu ! qu'c'est embêtant
Je n'suis pas bien portant.
Ayant vécu jusqu'à 91 ans, il a pu la fredonner dans sa Ford intérieure d'un air un peu plus chagrin, les réalités du grand âge prenant alors généralement place dans les corps et dans les esprits.
Les corps et les esprits ? Question idiote et réponse immédiate : of course !
On peut avoir pourtant le sentiment que les dégradations physiques l'emportent sur un déclin cérébral pas forcément inexorable et même que les problèmes physiques peuvent stimuler les petits neurones en voie d'assoupissement en les contraignant à trouver les adaptations et contournements nécessaires. La charge est plus lourde pour le vieux bricoleur qui devra installer les palans, chariots ou autres chèvres pour atteindre son but. La mer est plus dure pour le vieux marin qui devra plus souvent faire avec l'encombrant harnais et composer avec ses raideurs et sa faiblesse en adaptant les positions qui vont bien pour faire avancer son petit voilier. L'huître qui résiste au poignet affaibli oblige le propriétaire du dit poignet à trouver les bons appuis et les gestes les plus efficaces. (Ça sent le vécu tout ça, non ?)
La meilleure résistance de l'intellect est forcément en trompe-l'œil. Affaiblissements physiques et cérébraux se produisent logiquement de conserve, les premiers étant simplement mieux ressentis en soi et plus visibles chez les autres que les seconds. Les noms des gens et des choses mettent de plus en plus de temps à remonter d'un disque de moins en moins dur, la superposition des problèmes prend vite des allures d'enchevêtrement déprimant et les durée de lecture continue diminuent...
Rien que de très naturel dans cette affaire, et pas trop grave tant qu'il reste possible d'utiliser les services des esclaves mécaniques et informatiques modernes capables de fournir énergie et savoir-faire, mémoire et garde-fou. Oui ?
Ah ! mon Dieu ! qu'c'est amusant
D'être toujours d'attaque,
Ah ! mon Dieu ! qu'c'est amusant
Je suis encore partant !