mamimadi l'humeur hebdomadaire |
27 mai - Vincent et les autres La vie, c'est sacré, oui, mais la vie, on en meurt. C'est justement parce qu'on en meurt que c'est sacré. Une vie éternelle, imperdable n'aurait plus de prix, plus beaucoup de prix. Des millions de gens meurent donc chaque jour. Naturellement. Il arrive que certains n'ont pas cette chance : ils sont maintenus artificiellement entre la vie et la mort, longtemps, sans espoir de retrouver celle-là ou de parvenir à celle-ci. Vie et mort dégradées quand la médecine peut et doit entretenir l'une et améliorer l'autre qui fait partie intégrante de la première tant qu'elle est vécue. La réalité augmentée permise par le progrès des technologies informatiques a bien évidemment son prolongement dans le vivant. Les biotechnologies permettent des vies augmentées, plus performantes, plus confortables, moins diminuées, moins douloureuses. Plus longues aussi. Augmentées et allongées, donc, tant qu'elles ne sont pas définitivement éteintes. Par malheur, les technologies d'assistance médicale permettent maintenant de prolonger l'extinction au-delà de toute limite imaginable il y a peu. Dix ans pour l'exemple dont les médias se repaissent actuellement. Sur les pâturages si riches de la misère humaine, ils ne sont pas les seuls : les politiciens en profitent pour faire croître leurs démagogies, les avocats leurs comptes en banque, les intégristes leurs convictions et les miséreux eux-mêmes y développent un dérivatif à leurs propres problèmes. Tout va bien, ça roule pour tous. Ça roule même pour celui qui n'est plus rien qu'un cas, une affaire. Qui ne peut mot dire ni maudire, ni même en penser davantage. Son coma profond est une absence totale à la vie que son corps continue pourtant à vivre, soutenu par les machines de la médecine. Six mois ou dix ans, qu'importe pour celui qui ne voit pas le temps passer, qui n'en éprouve plus la durée ni les humeurs. La comédie inhumaine - ou si humaine - peut donc durer encore et encore, de recours d'une cour à l'autre en arrêt de justice plus ou moins justifié, de cris de dépit en clameurs de remontada. Sur la grande pelouse hexagonale, les joueurs frappent le ballon d'une extrémité à l'autre du terrain, les spectateurs tendent le poing d'une tribune vers l'autre, mais aucun arbitre n'est présent pour siffler la fin du match... |