mamimadi l'humeur hebdomadaire |
14 mai - L'homme qui a vu l'ours Bon, parlons peu mais parlons bien. Nous sommes vendredi et rien n'est encore pondu. La livraison de lundi, huitième heure, arrive alors qu'il fait beau et qu'on a autre chose à faire qu'à se carrer devant un ordi à la recherche d'idées qui batifolent ailleurs... Dimanche ! La pluie est arrivée et ça tombe bien puisque ça tombe bien et que la journée d'hier vient de m'en fournir une bien bonne à vous raconter. Pas vraiment marrante mais narrable peut-être sous la forme d'une petite fable... C'est l'histoire de l'homme qui a vu l'ours. Il l'a vu souvent, depuis longtemps. Il l'a vu vieillir sur sa banquise. Il a vu son regard se troubler, ses flancs se creuser, sa démarche hésiter. L'homme qui a vu l'ours un beau jour ne l'a plus vu. Disparu, l'ours vieillissant sur son (gros) glaçon.
Par bonheur, l'homme qui a vu l'ours est aussi un homme branché et le responsable de la disparition de l'ours, l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours, connaissant sa relation avec l'animal n'a pas tardé à dissiper son étonnement. Le premier homme rencontré en remontant la file est un photographe tape à l'œil de renom, le deuxième est écologiste à ses heures, le troisième est scientifique de labo. Au bout d'une chaine aux maillons non éprouvés, l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours s'est dit que le vieil ours était mourant et qu'il fallait le soigner. Et donc le cliniquer. Et donc le capturer. Par bonheur encore, l'ours, chacun le sait, est un animal pas trop bête (bof !). Il a vite compris que l'hôpital ne vous veut du bien que lorsque tout va mal, que le meilleur espace de soin était pour quelque temps encore sa banquise coutumière pour peu que les hommes qui ne voient pas que les hommes ne voient pas les dégâts que les hommes y font n'aillent pas trop y voir eux-mêmes. Sur son brancard des urgences, l'ours s'est redressé, a bombé le torse, s'est fendu d'un sourire, s'est déclaré en pleine forme, a demandé à rentrer à la maison. L'homme qui a vu l'ours le revoit à nouveau, dans son milieu et ses habitudes, ou plutôt dans leur continuum, plus ou moins détérioré par l'extérieur mais aussi par la vie elle-même. Mais tant que l'ours voit l'homme qui l'a vu, sans trop de dépendance, il n'y a pas le feu au lac, même salé et glacé... Si ? |